Gabon : le dérapage de Gervais Oniane relance le débat sur la morale d’État au sommet du pouvoir
La scène survenue le 30 octobre 2025 à Ntoum, au cours de laquelle Gervais Oniane, Haut-Représentant personnel du Président de la République, s’est violemment emporté contre la ministre d’État Camélia Ntoutoume Leclercq, continue de provoquer l’indignation. Documentée par La Loupe (n°606 du 10 novembre 2025), cette diatribe publique interroge sur la discipline au sommet de l’État et la capacité du Président Oligui Nguema à imposer une éthique républicaine à son premier cercle.
Un dérapage public qui pose question. Le 30 octobre, devant une foule chauffée à blanc, Gervais Oniane s’est livré à une attaque verbale d’une rare violence contre la ministre d’État Camélia Ntoutoume Leclercq. Allant jusqu’à évoquer son apparence physique et à revendiquer une supériorité protocolaire inexistante, la scène a choqué jusque dans les rangs du pouvoir.
« Cette petite fille-là a le culot de me parler… Haut-Représentant personnel, c’est plus qu’un ministre ! », a-t-il lancé, comme le rapporte La Loupe, déclenchant des réactions obscènes dans la foule.
Deux semaines après le tollé provoqué par les propos controversés du vice-président Séraphin Moundounga, cet épisode ravive les craintes d’un relâchement total des codes de conduite au cœur du premier cercle présidentiel.
Quand l’arrogance heurte la République
Représenter le Chef de l’État n’est pas un privilège, mais une responsabilité. Et, dans une démocratie, injurier un ministre d’État revient à décrédibiliser la fonction qu’il incarne. C’est là que l’affaire dépasse l’anecdote : elle touche à l’image et à la crédibilité du pouvoir.
Le Haut-Représentant, fonction créée par décret, ne dispose d’aucune prérogative exécutive. À l’inverse, le ministre d’État est une autorité constitutionnelle, participant à la conduite de l’action publique. « Un ministre commande ; un Haut-Représentant accompagne », rappelle un constitutionnaliste joint par GMT.
Cette confusion volontaire des statuts, doublée d’une agressivité publique, traduit non seulement un excès de zèle, mais un manque profond de culture institutionnelle.
Une hiérarchie institutionnelle incontestable
D’un point de vue juridique, rien ne permet de comparer le Haut-Représentant au Vice-président, comme l’a prétendu M. Oniane. Les articles 13 et 14 de la Constitution régissent le statut du Vice-président, chargé d’assurer l’intérim en cas d’empêchement.
Le ministre d’État, lui, détient des prérogatives exécutives encadrées par l’article 25 et siège en Conseil des ministres. Le Haut-Représentant, contrairement à ses déclarations, n’appartient pas au pouvoir exécutif : il relève d’une fonction de représentation, sans pouvoir décisionnel.
C’est précisément cette méprise – feinte ou réelle – qui alimente les critiques de la société civile, inquiète de voir certains collaborateurs du Palais confondre proximité et toute-puissance.
Un test politique pour le Président Oligui Nguema
À l’aube de la Ve République, cette affaire place le Chef de l’État face à un choix : laisser s’installer l’idée que certains proches seraient au-dessus des règles ou réaffirmer que la discipline et la morale sont les fondements d’une gouvernance crédible.
La référence fréquente du Président Oligui Nguema au général de Gaulle renforce cette exigence. Car, pour De Gaulle, l’autorité ne se proclamait pas : elle se démontrait par la fermeté, y compris envers ses alliés les plus proches. « On ne gouverne pas par complaisance, mais par principes », rappelle un diplomate interrogé.
La question, désormais, est de savoir si le Chef de l’État appliquera cette rigueur à l’un de ses collaborateurs les plus visibles.
Le peuple en attente d’un geste fort
Dans un contexte où les Gabonais réclament davantage d’éthique et de discipline publique, l’incident de Ntoum symbolise ce que beaucoup craignent : un retour des “baronnies” et d’une culture d’impunité au sommet de l’État. Pour une militante d’une organisation citoyenne : « On ne peut pas parler de restauration institutionnelle si ceux qui entourent le Président sont les premiers à bafouer les règles de décence. »
L’épisode Gervais Oniane devient ainsi, malgré lui, un test majeur pour la Transition : celui de la capacité du Chef de l’État à privilégier la morale publique sur les fidélités personnelles.
Une exigence républicaine : restaurer l’exemplarité
L’affaire révèle, au fond, une vérité simple : à ce niveau de responsabilité, la moindre parole engage la République. Et lorsqu’un collaborateur confond rang protocolaire et ego personnel, c’est au Chef de l’État de rappeler que le pouvoir n’est pas un espace de privilèges, mais un lieu de service.
À l’heure où le pays espère une refondation morale dans la perspective de la Ve République, la réaction qui suivra ce dérapage sera observée comme un indicateur de la sincérité du projet de restauration annoncé depuis août 2023.
Pour reprendre les mots de La Loupe : « Le succès est la valeur personnelle multipliée par les circonstances. » Dans cette affaire, la ministre Camélia Ntoutoume Leclercq a fait preuve de retenue.Gervais Oniane, lui, a révélé les limites de sa valeur.









GMT TV