Gabon : Joyce Laffite, victime expiatoire d’un RPM en décadence morale

Le parti d’Alexandre Barro Chambrier, le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), traverse une zone de turbulences depuis la suspension conservatoire de son Secrétaire exécutif adjoint, Joyce Laffite Ntseghe. En cause : des critiques jugées trop virulentes à l’encontre de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), notamment envers les anciens barons du Parti démocratique gabonais (PDG) désormais investis par cette formation aux législatives et locales. Une décision qui révèle la dérive morale d’un parti autrefois perçu comme le fer de lance de la résistance face au système PDG, mais qui semble aujourd’hui renier ses combats historiques au nom de stratégies d’alliance.
Depuis plusieurs années, Joyce Laffite Ntseghe a pourtant accompagné Alexandre Barro Chambrier dans toutes les batailles contre le régime du PDG. Ce jeune cadre engagé a notamment été en première ligne lors des épisodes de répression politique, comme en juillet 2023 à Franceville, lorsqu’une horde de jeunes instrumentalisés, ont violemment perturbé un meeting du leader du RPM. Ce parcours de fidélité sans faille à l’idéal du changement fait de lui un symbole fort d’une opposition authentique, qui n’a pas cédé à l’opportunisme. Le voir cloué au pilori pour avoir dénoncé l’arrivée massive d’anciens pdgistes dans l’UDB, devenue partenaire du RPM, a donc choqué jusqu’au sein même de la classe politique.
Une décision incompréhensible et clivante
La réaction du RPM, à travers cette suspension disciplinaire, donne à voir un parti qui sacrifie l’un de ses plus loyaux militants sur l’autel d’arrangements politiciens. Au lieu d’assumer une ligne claire, fondée sur la rupture avec les acteurs de l’ancien régime, la direction du parti semble pencher pour une forme de compromis idéologique, à la limite de la compromission, quitte à museler les voix dissonantes. Cette mise à l’écart de Joyce Laffite dépasse donc la simple mesure conservatoire : elle jette un voile de doute sur la sincérité des engagements du RPM et interroge sur sa capacité à rester fidèle à ses principes fondateurs.
Plusieurs personnalités politiques, issues aussi bien de l’opposition que de la majorité, ont d’ailleurs exprimé leur solidarité avec Joyce Laffite. Cette brutalité fait en effet de ce cadre politique la victime d’un tournant inquiétant dans la gestion interne du RPM. Si le parti ne revient pas sur cette décision, il risque non seulement de perdre un précieux porte-drapeau dans le 5e arrondissement de Libreville, mais aussi d’alimenter une crise interne aux conséquences durables. L’heure est à la clarification : soit le RPM reste le parti de la rupture et de la refondation, soit il sombre dans les compromissions qui ont longtemps discrédité la vie politique gabonaise.
GMT TV