Gabon : familles désorganisées, tribunaux ralentis, le coût humain d’un CSM mal tenu

La sortie médiatique du Syndicat national des magistrats du Gabon (SYNAMAG) continue de faire l’effet d’un pavé dans la mare. Dans une communication publiée à la suite de la session extraordinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) du 12 septembre dernier, le syndicat met en lumière un impact direct et concret : les décisions irrégulières de l’organe fragilisent non seulement les carrières des magistrats, mais aussi le fonctionnement du service public de la justice.
Le premier grief tient au calendrier légal bafoué. La loi organique n°017/2022 fixe la session ordinaire du CSM au mois de juillet afin de permettre aux magistrats concernés par des affectations de préparer leur départ avant la rentrée judiciaire du 1er octobre. Or, la tenue tardive des sessions entraîne des déménagements improvisés, souvent financés à titre personnel, et empêche les familles d’inscrire leurs enfants à temps dans de nouveaux établissements. « Cette situation plonge les magistrats dans une insécurité professionnelle et familiale inutile », alerte le bureau exécutif du syndicat.
Le SYNAMAG dénonce également la précarisation des carrières : des magistrats réintégrés après détachement se retrouvent sans affectation, tandis que d’autres, proches de la retraite, bénéficient de maintiens en activité sélectifs, en contradiction avec les mesures gouvernementales de rajeunissement des effectifs. À cela s’ajoute le cas des stagiaires : 36 d’entre eux auraient dû être titularisés d’office depuis novembre 2024, faute de décision notifiée dans les délais légaux. Dix-huit sont toujours laissés « dans le flou », freinant leur progression professionnelle.
Service public de la justice en péril
Au-delà des carrières individuelles, c’est la continuité du service public qui est menacée. Des juridictions fonctionnent en sous-effectif, des charges sont reportées et des audiences perturbées. « Comment assurer une bonne administration de la justice quand les magistrats ne connaissent pas leur affectation, quand certains doivent assumer seuls les frais de leur installation et que leurs enfants restent à la maison faute d’inscription scolaire ? », interroge le syndicat.
Cette situation génère un ralentissement des procédures et alimente le sentiment d’une justice affaiblie. Pour le SYNAMAG, la responsabilité incombe au CSM, organe censé être garant de l’autorité judiciaire mais qui, par ses manquements, désorganise l’appareil judiciaire.
Exigence de respect des textes
Le SYNAMAG exige le strict respect du calendrier légal et des règles statutaires pour restaurer la stabilité professionnelle des magistrats et la qualité du service rendu aux justiciables. Faute de quoi, il menace de saisir le Conseil d’État. Le syndicat rappelle que « le bon fonctionnement de la justice repose sur une organisation rigoureuse et un respect scrupuleux des textes ».
Au-delà d’un débat technique, la charge prend une dimension politique : dans un Gabon engagé dans la refondation de l’État de droit, voir l’organe suprême de la magistrature violer ses propres textes jette un doute sur la volonté réelle de bâtir une justice crédible. Un avertissement que la classe dirigeante ne pourra ignorer sans risque de miner davantage la confiance citoyenne.
GMT TV