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Gabon : du 30 août au 27 septembre, trahison d’un serment de refondation ?

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De la promesse du 30 août 2023 à la débâcle du 27 septembre 2025. Le 30 août 2023, le Gabon retient son souffle. Les militaires, réunis au sein du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), annoncent à l’aube la fin du régime Bongo. La lecture solennelle du lieutenant-colonel à l’époque, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, résonne comme un serment : celui de défendre la paix, restaurer les institutions, et mettre fin à la mascarade électorale du 26 août 2023.

Deux ans plus tard, presque jour pour jour, le scrutin du 27 septembre 2025, censé clôturer la transition, en est le miroir inversé. Fraudes massives, candidatures invalidées, falsification de procès-verbaux, achats de conscience, transport d’électeurs, confusion généralisée : les dysfonctionnements sont identiques, parfois pires.

Comment expliquer que ceux qui ont renversé un régime pour restaurer la confiance populaire reproduisent les travers d’hier ? Où est passée la volonté de rupture affichée dans les premières heures de la Transition ? Comment a-t-on pu trahir, si rapidement, une promesse si solennelle ?

Le peuple trahi deux fois ? 

La déclaration du CTRI, le 30 août 2023, affirmait : « Force est d’admettre que l’organisation des échéances électorales, dites élections générales du 26 août 2023, n’a pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif. […] Les élections et leurs résultats tronqués sont annulés. »

Deux ans plus tard, tout se répète. À Akanda, Ntoutoume Ayi parle d’une « falsification ignoble ». À Oyem, Estelle Ondo demande l’annulation du scrutin. À Port-Gentil, Mike Jocktane dénonce une « pagaille organisée ». A Kango, Fortunin Nguema Owone fustige le « transport d’électeurs ». Les plaintes se multiplient. Les candidats découvrent leur radiation à la dernière minute. Des bulletins disparaissent. Des urnes se volatilisent.

Et face à ces dérives, pas un mot du chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema. Pas une menace de sanctions. Pas une enquête publique ouverte par les parquets de la République. Rien, comme si les actes posés par ces indélicats ne relevaient pas du champ pénal. 

Les mots de trop, les actes absents

En 2023, la déclaration du CTRI dénonçait : « Une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale. » Mais qui peut aujourd’hui nier que cette même imprévisibilité règne dans la gestion du processus électoral ? Que cette même irresponsabilité mine le crédit des institutions ? Que la cohésion sociale est à nouveau menacée par l’absence de justice électorale ?

Pire encore : alors que le peuple attendait la fin des vieilles méthodes, elles sont revenues sous d’autres visages, avec la bénédiction silencieuse de ceux qui promettaient la restauration. 

Le rêve de la Vᵉ République est-il déjà mort-né ?

Il ne suffit pas de changer de numéro de République pour changer de pratique. La Vᵉ République gabonaise ne naîtra pas de la fraude électorale, ni de l’impunité des faussaires. Le peuple ne veut plus de consultations électorales entachées de grossières irrégularités. Il ne veut plus de commissions électorales biaisées. Il ne veut plus de faux recours, de justice complice, d’élus illégitimes.

Il veut des sanctions allant jusqu’à l’inéligibilité pour les faussaires, des peines planchées pour les responsables des commissions électorales complices, des exclusions du jeu politique pour les auteurs, coauteurs et complices de la transhumance électorale, des réparations pour la République et la démocratie qui sont trahis par l’avidité de certains candidats et électeurs. 

Un devoir de cohérence, une urgence de salubrité politique

Le président Brice Clotaire Oligui Nguema, garant de cette Transition vers la Vème République, ne peut ignorer le caractère délétère de ce scrutin. En tant que Chef de l’État et Chef du Gouvernement, il a le devoir moral et politique d’agir à la hauteur de l’engagement du 30 août 2023.Ce qui s’est passé le 27 septembre ne peut rester sans suite. Faute de quoi, la Transition deviendra un leurre, et la Vᵉ République une imposture. « Peuple gabonais, c’est enfin notre essor vers la félicité » disait la déclaration d’Ulrich Manfoumbi Manfoumbi. Mais sans justice électorale, sans vérité des urnes, sans exclusion des fraudeurs, ce ne sera qu’un slogan de plus, un groupe de mots, de la littérature.

Harold Leckat

Juriste contentieux, Fondateur et Directeur de publication. "La chute n'est pas un échec. L'échec est de rester là où l'on est tombé ", Socrates

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