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Gabon : des fournitures de bureau pour les tribunaux… en attendant les réformes structurelles promises

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Alors que l’appareil judiciaire attend toujours les profondes réformes, le ministère de la Justice a communiqué sur l’acheminement de fournitures de bureau dans plusieurs tribunaux de l’intérieur du pays. Une opération logistique certes utile, mais qui interroge sur les priorités d’un secteur en crise.

Sur instruction du président de la République, le ministre de la Justice, Dr Séraphin Akure-Davain, a lancé une tournée de distribution de matériel administratif dans les tribunaux administratifs et de première instance. C’est son conseiller Christian Ngonda qui a assuré cette mission, allant livrer dans les capitales provinciales — Lambaréné, Mouila, Tchibanga — des imprimantes multifonctions, ramettes de papier, sous-chemises, chemises cartonnées et divers consommables.

Une dotation présentée comme un acte fort pour « améliorer les conditions de travail » des agents judiciaires. Mais derrière cette communication bien orchestrée se cache un malaise plus profond : comment célébrer l’arrivée de fournitures de bureau dans un secteur où l’urgence est avant tout institutionnelle, structurelle et humaine ?

Des fournitures… mais une justice qui attend toujours la réforme de fond

En réalité, les défis de la justice gabonaise dépassent largement le manque de papier ou de sous-chemises. Retards chroniques de procédures, manque de magistrats spécialisés, infrastructures vétustes, absence de budget de fonctionnement suffisant, lenteurs administratives, greffes sous-équipés, sécurité juridique fragile…Les professionnels le répètent : le pays n’a pas seulement besoin de stylos et d’imprimantes, mais d’une refonte complète du système judiciaire.

D’autant que l’insécurité contractuelle persiste. Des conventions valablement signées, enregistrées à la Direction générale des impôts, parfois même assorties de taxes acquittées, se retrouvent contestées du jour au lendemain parce qu’un nouveau directeur général remet en cause leur validité. Certaines ont même été annulées en violation du droit, plongeant entreprises et investisseurs dans l’incertitude la plus totale.

Ce phénomène, dénoncé par les entreprises locales, est l’un des maux qui étouffe l’entrepreneuriat et fragilise le tissu économique, déjà en difficulté.

Un geste utile mais insuffisant pour une justice en attente d’une transformation réelle

Si la distribution de matériel contribuera sans doute à fluidifier certaines tâches administratives dans les juridictions de l’intérieur, elle ne saurait masquer les attentes plus profondes : une réforme judiciaire ambitieuse, lisible et centrée sur la sécurité juridique, la modernisation des tribunaux et la restauration de la confiance.

La tournée doit se poursuivre à Port-Gentil et Makokou, mais pour les acteurs du secteur, la vraie attente est ailleurs : une justice indépendante, fonctionnelle, respectueuse des contrats, et capable de protéger citoyens et entreprises. En clair, les fournitures sont un début. Mais ce que le Gabon attend, c’est une justice enfin en état de rendre justice.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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