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Gabon : croissance par l’investissement, sans assainissement de la dépense publique

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Le récent Gabon Economic Forum tenu à Libreville, auquel ont pris part le gouvernement, la Fédération des entreprises du Gabon (FEG) et les partenaires au développement, a jeté les bases d’une stratégie visant une croissance inclusive et durable. Quelques semaines plus tard, la Journée de la Finance a renforcé cette dynamique en fixant l’ambition d’une croissance annuelle de 10 % d’ici cinq ans. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement mise sur la mise en œuvre du Plan national de croissance et de développement (PNCD), destiné à sortir le pays du carcan de revenu intermédiaire de la tranche supérieure et à générer des emplois durables. Cette stratégie, présentée comme un tournant économique majeur, repose sur l’idée qu’un effort massif d’investissements peut enclencher un cercle vertueux de développement.

Le ministre de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, chargé de la Lutte contre la vie chère, Henri-Claude Oyima, s’est posé en artisan de cette relance. Sa feuille de route s’articule autour d’axes précis à savoir, renforcer l’investissement public dans les infrastructures, favoriser la prise de participations de l’État dans des entreprises stratégiques, privilégier les emprunts à maturité longue en devise locale et diversifier l’économie pour réduire la dépendance au pétrole. L’accent est mis sur la montée en puissance des secteurs comme les mines, le tourisme, la pêche et l’agriculture, identifiés comme de nouveaux leviers de croissance.

Des ambitions freinées par une réalité budgétaire préoccupante

Ces ambitions affichées se heurtent toutefois à une réalité économique plus complexe. La Banque mondiale, dans sa note économique du Gabon publiée en juin 2025, rappelle que « la baisse des recettes pétrolières, les coûts d’emprunt élevés et une politique de dépenses expansionnistes ont aggravé les risques liés à la viabilité des finances publiques et de la dette ». La dette publique est estimée à 72,5 % du PIB, soit 2,5 points au-dessus du seuil de convergence de la CEMAC, tandis que la croissance stagne à 2,4 %. Le solde budgétaire, excédentaire de 1,8 % en 2023, est désormais déficitaire de -3,7 % en 2024. Dans ce contexte, le pari d’une croissance à deux chiffres apparaît illusoire, surtout avec un recours accru à des emprunts coûteux.

Le défi majeur réside donc dans la mobilisation des 10 000 milliards de FCFA nécessaires au financement du PNCD. Pour y parvenir, des pistes existent pourtant : réduction de la masse salariale de la fonction publique, passée de 691 à 825 milliards de FCFA en seulement deux ans ; rationalisation des subventions, à l’instar de la mesure courageuse qui vient d’être prise de mettre un terme aux subventions aux carburants ; accélération de la digitalisation des services publics ; lutte accrue contre la corruption et transparence budgétaire. D’autres pays confrontés à des difficultés similaires ont démontré que l’investissement peut être maintenu tout en réduisant la dette, à condition de réaliser des économies ciblées dans les secteurs non essentiels. Au Gabon, le gouvernement peine encore à envisager de tels sacrifices.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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