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Gabon : affaire Pierre Mweyaga, une vie brisée par la lenteur d’une justice qui s’ignore

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Huit ans. C’est le temps que Pierre Mweyaga a passé derrière les barreaux, en détention préventive, sans jugement, avant d’être finalement acquitté par la Cour d’appel judiciaire de Port-Gentil. Huit années volées, sacrifiées sur l’autel d’un appareil judiciaire incapable de respecter les délais raisonnables d’un procès équitable. Cette affaire illustre, avec une violence glaçante, les défaillances systémiques d’une justice qui, au lieu de protéger, finit par broyer les innocents.

Comment justifier que, dans une République qui se réclame de l’État de droit, un homme soit privé de liberté pendant près d’une décennie sans condamnation ni preuve formelle de sa culpabilité ? En l’espèce, Pierre Mweyaga a été arrêté en 2017 dans une affaire de meurtre remontant à 2013, pour laquelle aucune preuve matérielle n’a jamais été établie. La justice elle-même l’a reconnu en prononçant son acquittement au bénéfice du doute. Dès lors, la question n’est pas de savoir s’il est coupable ou innocent — la justice a tranché. La question, c’est : pourquoi ce procès a-t-il duré huit ans ?

La faillite d’un système judiciaire à deux vitesses

L’affaire Mweyaga n’est pas une exception. Elle est le miroir d’un système judiciaire gabonais où les moyens manquent, où les délais s’allongent, où les hommes se taisent, et où les vies se perdent. Si certains dossiers sensibles sont traités avec une célérité impressionnante lorsqu’ils concernent des personnalités politiques ou économiques influentes, des citoyens ordinaires comme Pierre Mweyaga restent des oubliés, abandonnés dans les geôles du pays.

Aucune réparation n’a encore été annoncée. Aucun ministre n’a pris la parole. Aucun haut magistrat n’a exprimé le moindre regret. Et pourtant, huit années de la vie d’un homme ont été effacées. Huit années pendant lesquelles il aurait pu élever ses enfants, aimer, travailler, construire. Huit années d’enfermement psychologique et social, sans perspective, sans espoir, sans jugement.

Un drame humain qui engage l’État

La lenteur de la justice gabonaise n’est pas seulement une faille administrative : c’est un drame humain. Elle détruit des vies, érode la confiance des citoyens, et ridiculise les principes fondamentaux de la Constitution. Le cas Mweyaga engage la responsabilité de l’État. Il devrait donner lieu à une enquête administrative, à une réforme en profondeur de la gestion des détentions préventives, à une indemnisation immédiate de l’intéressé.

Car une question demeure : qui va lui rendre ces huit années ?

Et surtout : combien d’autres Pierre Mweyaga dorment encore dans nos prisons, oubliés du droit et de la République ? Dans une transition qui se veut refondatrice, il ne peut y avoir de rupture sans justice réparatrice. La Vème République ne peut se contenter de discours sur la transparence. Elle doit prouver, par les actes, qu’elle rompt définitivement avec une justice qui humilie les faibles et protège les puissants.

Sinon, l’affaire Mweyaga ne sera qu’un nom de plus dans la longue litanie des victimes d’un système qui, faute de réformes, continuera à condamner les innocents au silence.

Geneviève Dewuno Edou

Diplômée en journalisme,je suis chargée des rubriques Santé en plus d’être l’une des voix derrière de nombreux reportages de GMTtv. L'écriture, la pose de voix, la présentation du Journal télévisé sont les principales tâches que j’exécute et pour lesquelles je mets mes capacités au quotidien au profit de la rédaction de Gabon Media Time.

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