Gabon : à Sni-Owendo et aux Charbonnages, les populations face à la menace des bulldozers

Alors que le gouvernement poursuit son programme de salubrité publique et d’aménagement du Grand Libreville, les habitants des quartiers Sni-Owendo et Charbonnages vivent sous la menace d’un déguerpissement annoncé. Un compte à rebours de 72 heures a été lancé depuis dimanche, provoquant inquiétude, désolation et interrogations sur le respect des procédures légales.
Dans ces deux zones populaires, les habitants se préparent à quitter les lieux dans la précipitation. Si certains comprennent les objectifs urbanistiques de l’État, d’autres dénoncent un manque criant de communication, d’encadrement et d’humanité dans la mise en œuvre de cette opération.
Des murs marqués, des familles désemparées
Depuis lundi 23 juin, les murs des bâtisses situées au Carrefour Sni-Owendo portent l’inscription « ADM 72 heures », signal clair d’une évacuation imminente. Le site, particulièrement actif sur le plan commercial, est plongé dans une ambiance de tristesse mêlée de confusion. « Le climat ici, c’est de l’incompréhension. On ne nous a ni notifiés officiellement, ni recensés », s’indigne William, un riverain interrogé sur place par nos confrères de L’Union.
Dans les allées, les commerçants emballent à la hâte leurs produits tandis que les familles tentent tant bien que mal de préserver leurs biens. Pour certains propriétaires, la perte est totale : leur unique toit est promis à la destruction sans qu’une alternative concrète ne leur soit proposée.
Charbonnages : résignation, désolation et interrogations
À Charbonnages, la situation est tout aussi tendue. De nombreux habitants ont déjà plié bagage, laissant derrière eux des étals vides et des boutiques éventrées. Si l’on note une certaine anticipation, la douleur reste vive pour ceux qui perdent, en quelques heures, le fruit de plusieurs années de dur labeur.
Les images de démolitions successives, après Plaine-Orety, Derrière-l’Ambassade de Chine ou encore Bas-de-Gué-Gué, continuent de hanter les esprits. Pour ces populations, il ne s’agit plus seulement de libérer des emprises publiques, mais de survivre à une opération dont les conséquences sociales risquent de perdurer.
Déguerpir oui, mais avec un accompagnement social ?
Face aux protestations, les autorités invoquent l’utilité publique, la sécurité urbaine et le développement harmonieux de la capitale. Mais dans les faits, l’absence d’un plan d’accompagnement clair, notamment pour les plus vulnérables, pose question. « Nous soutenons le développement, mais pas à n’importe quel prix », rappellent plusieurs habitants.
L’État devra, s’il veut éviter une fracture sociale, mettre en place des mécanismes de relogement, d’indemnisation ou de soutien aux petits commerçants affectés. Car au-delà des murs qui tombent, ce sont des vies qui vacillent, et une confiance qui se fragilise.
Une transition urbaine sous tension
Ce nouveau chapitre du programme de modernisation du Grand Libreville s’inscrit dans une dynamique plus large impulsée par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema. Mais comme souvent, entre l’intention politique et l’impact social, la ligne est fine.
En définitive, si les opérations de salubrité publique apparaissent légitimes dans leur principe, leur mise en œuvre appelle plus de transparence, d’anticipation et surtout d’humanité. C’est à cette condition que l’État pourra construire une capitale moderne sans abandonner ceux qui en constituent le cœur vivant.
GMT TV