Gabon : À quand l’institution du juge des libertés et de la détention ?
La justice gabonaise fait face à une crise persistante liée aux détentions préventives abusives, souvent prolongées par une léthargie administrative et la concentration excessive de pouvoirs entre les mains du juge d’instruction. Ce dernier, chargé à la fois de l’enquête et de la décision sur la privation de liberté, manque parfois de recul, favorisant des placements en détention systématiques. Il devient urgent d’introduire un contrôle indépendant pour protéger la liberté individuelle des justiciables.
Au Gabon, les cas des détentions prolongées sont malheureusement courants. Des individus attendent leur procès pendant 8 ou 9 ans, voire plus, dans des conditions souvent difficiles. Récemment, lors d’une session criminelle, six détenus de la prison de Gros-Bouquet à Libreville ont été acquittés après sept années d’incarcération préventive. En 2025, des affaires similaires persistent : certains prisonniers croupissent derrière les barreaux depuis dix ans sans jugement, comme rapporté dans plusieurs affaires emblématiques. Ces situations ubuesques s’expliquent par un suivi approximatif des dossiers par certains juges d’instruction, qui décernent des mandats de dépôt sans rigueur suffisante.
De la nécessité de rectifier le tir rapidement !
La détention préventive, mesure exceptionnelle par nature, devrait être justifiée par des motifs précis à savoir la conservation des preuves, la prévention de pressions sur les témoins, la préservation de l’ordre public ou la garantie de la comparution de l’inculpé. Pourtant, elle devient souvent une mise à l’écart arbitraire. Et ce, alors même que le Code de procédure pénale gabonais fixe des délais stricts de six mois renouvelables une fois en matière correctionnelle, un an renouvelable en matière criminelle mais ces limites sont fréquemment dépassées sans sanction réelle.
Face à ces dérives, l’instauration d’un juge des libertés et de la détention (JLD) apparaît comme une solution impérative. Ce magistrat indépendant, inspiré du modèle français, serait compétent exclusivement pour les questions de détention provisoire. Il ordonnerait ou prolongerait les incarcérations après un débat contradictoire public et motivé, examinerait les demandes de mise en liberté et contesterait les contrôles judiciaires en cas de violation. Ce mécanisme constituerait un contrepoids essentiel à la « toute-puissance » actuelle des juges d’instruction.
Depuis 2024, des réformes judiciaires sont en cours au Gabon, avec un projet de loi visant à créer la Juridiction des libertés et de la détention (JLD), intégré à la Politique nationale de gestion des détentions et des peines. Des rapports internationaux, dont ceux de l’ONU, dénoncent le recours excessif à la détention provisoire et ses durées abusives. Membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU par le passé, le Gabon se doit d’agir concrètement pour aligner sa pratique sur les standards internationaux et renforcer l’État de droit. Les plus hautes autorités devraient accélérer cette réforme pour mettre fin à ces pratiques abjectes et restaurer la confiance dans la justice.









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