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Gabon : 192 milliards de FCFA envolés chaque année en «cadeaux fiscaux»

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Chaque année, l’État gabonais renonce à près de 192 milliards de FCFA de recettes à travers un système d’exonérations et d’allègements fiscaux. Présentés comme des leviers pour attirer les investisseurs, ces avantages sont de plus en plus dénoncés comme un gouffre budgétaire. La Banque mondiale, dans sa Note de conjoncture de juin 2025, alerte sur leur faible efficacité et leur manque de ciblage.

Des exonérations concentrées et peu équitables. La logique de ces mesures, héritée des décennies de politiques incitatives, repose sur l’idée que des allègements massifs stimuleraient l’investissement. Dans la pratique, la Banque mondiale constate que « la multiplication des incitations fiscales non ciblées réduit la base d’imposition et concentre les avantages sur un nombre restreint d’opérateurs ». Résultat : ce sont surtout les grandes entreprises, souvent étrangères, qui profitent de ces exonérations, tandis que les PME locales continuent de supporter une pression fiscale intacte.

Cette distorsion crée un déséquilibre structurel : d’un côté des multinationales privilégiées qui rapatrient rapidement leurs bénéfices ; de l’autre, des acteurs nationaux fragilisés par une concurrence biaisée, incapables de se hisser au niveau de compétitivité attendu.

Une facture colossale pour l’État

La perte annuelle de 192 milliards de FCFA n’est pas un simple chiffre comptable : elle dépasse le budget de plusieurs ministères stratégiques et pourrait financer des programmes structurants en éducation, santé ou infrastructures. Dans un pays où le service de la dette absorbe déjà près de la moitié des recettes publiques, ces « cadeaux fiscaux » ressemblent à un luxe dangereux. En creusant artificiellement les déficits, ils obligent l’État à recourir à de nouveaux emprunts, souvent coûteux, pour compenser le manque à gagner.

La Banque mondiale le souligne : « l’efficacité de ces exonérations reste faible lorsqu’elles ne sont pas conditionnées à des objectifs clairs et vérifiables ». Sans contreparties mesurables en matière d’emplois, de transfert de compétences ou de diversification économique, le mécanisme ressemble davantage à une saignée budgétaire qu’à un levier de croissance.

Pour une fiscalité plus stratégique

Face à ce constat, l’institution de Bretton Woods appelle à un recentrage urgent : réserver les incitations fiscales aux secteurs à fort potentiel de création d’emplois et à la diversification hors pétrole. Pour le reste, il s’agirait de supprimer progressivement les avantages injustifiés et de privilégier d’autres leviers, comme l’accès au financement pour les PME.

L’enjeu n’est pas d’abolir toute exonération, mais d’en finir avec une culture du « cadeau fiscal » généralisé. Car dans un contexte budgétaire contraint, continuer à dilapider l’équivalent de 192 milliards de FCFA chaque année, sans garantie de retour sur investissement, revient à affaiblir durablement la souveraineté économique du pays.

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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