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Pr. Steve Ndinga : «le CAFAG s’est fixé pour mission de promouvoir l’Enseignement Supérieur Franco-Arabe»

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Alors que la prochaine campagne de gradation du Conseil Africain Franco-Arabe pour les Grades (CAFAG) s’ouvrira en janvier 2026, le Professeur Steve NDINGA Conseiller juridique du Président de cette organisation non gouvernementale, revient dans cette interview accordée à Gabon Media Time, sur ses missions et son processus de gradation. Lecture

Gabon Média Time : Bonjour professeur NDINGA !

Pr NDINGA : Bonjour et merci de l’opportunité que vous m’offrez à travers votre média afin

de mieux faire connaître au grand public le CAFAG.

Gabon Média Time : Vous êtes Maître de Conférences / Professeur Associé en droit public, ancien Secrétaire Général du CAFAG GABON et actuel Conseiller juridique du Président du CAFAG. La prochaine campagne de gradation du CAFAG est prévue pour janvier 2026, à Libreville (Gabon), pouvez-vous nous présenter brièvement ce qu’est le CAFAG et le thème de la prochaine campagne

Pr NDINGA : CAFAG (Conseil Africain Franco-Arabe pour les Grades) est une organisation africaine, non gouvernementale créée au Mali en 2018 et reconnue par arrêté N° 1355/AE-BKO-DR du 02 septembre 2018 puis enregistré au Journal Officiel du Mali sous le N°19484/20/09/2021 relatif aux associations à caractère scientifique.

Le CAFAG est représenté par ses gradés dans plus de vingt-neuf (29) pays répartis actuellement en Afrique de l’ouest, du centre, de l’Est, en France, en Angleterre et dans les pays arabophones du Maghreb, du proche et du moyen Orient et du côté de L’Amérique.

La prochaine campagne Internationale du CAFAG aura comme Thème : LA RECHERCHE APPLIQUEE EN AFRIQUE ET LE DEVELOPPEMENT A PARTIR DE LA PROMOTION DES GRADES ACADEMIQUES.

Gabon Média Time : Et, les missions…

Pr NDINGA : Le CAFAG à travers ses statuts s’est fixé pour mission de promouvoir l’Enseignement Supérieur Franco-Arabe, l’innovation technologique et culturelle africaine. Il est également un cadre d’évaluation des compétences des Enseignants-Chercheurs et des Chercheurs à travers des enseignements, des productions scientifiques, leur savoir-faire et la valorisation de leurs expériences académiques et professionnelles dans leur pays mais surtout leur éternisation à travers des centres de recherche et des universités partenaires dans près de vingt-neuf (29) pays. CAFAG organise aussi des conférences, des colloques et publie des revues scientifiques pour ses membres (chercheurs et universitaires) et propose des programmes d’évaluation de carrière pour les universitaires. A ce jour CAFAG compte au Gabon parmi les gradés 4 Professeurs Titulaires, 8 Maîtres de Conférences / Professeurs Associés, 5 Habilités à Diriger les Recherches (HDR) et 18 Maîtres Assistants.

Gabon Média Time : Vous concurrencez le CAMES alors ?

Pr NDINGA : Le CAFAG ne s’oppose en aucun cas aux cadres d’évaluation existants bien au contraire, il se veut plutôt complémentaire et inclusif en prenant en compte les réalités des pays, les travaux innovants des universitaires africains, francophones, arabophones et anglophones provenant aussi bien dans les établissements ou les institutions d’enseignement publics, privés ou simplement des chercheurs indépendants.

Gabon Média Time : Pour certains de vos collègues gradés CAMES, les gradés du CAFAG sont accusés de n’avoir pas suivis la procédure de gradation en vigueur au GABON et notamment les prescriptions du Décret n°866/PR/MES/MFP du 20 août 1981 fixant le statut particulier des personnels Enseignants de l’Enseignement Supérieur. Mieux, les gradés CAFAG se prévalent des grades universitaires délivrés par le Conseil Africain Franco-Arabe pour les Grades pour obtenir des avantages et des privilèges de tous ordres. Alors que pour passer en grade, outre des travaux de recherche valables, et l’obtention du quitus du Chef d’établissement, il faut être inscrit sur la liste d’aptitude établie par le CAMES.

Pr NDINGA : Merci pour cette question, le Décret n°866/PR/MES/MFP du 20 août 1981 fixant le statut particulier des personnels Enseignants de l’Enseignement Supérieur n’a pas expressément exclu tout autre système d’évaluation ni même la voie nationale.

Si du 22 au 23 janvier 1968, les chefs d’État de l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM) se réunirent à Niamey, au Niger, pour un sommet qui consacra la naissance officielle du CAMES, avec entre autres missions de grader les enseignants-chercheurs et chercheurs des pays membres dont le Gabon. Mais curieusement vers la fin des années 90, le défunt Président du Gabon, OMAR BONGO OMDIMBA, paix à son âme, avait lui-même décidé par décret présidentiel de grader certains collègues aux grades de professeur d’Université. Mieux, dès 1971 l’accord cadre du 30 avril 1971 en matière d’enseignement supérieur conclu entre la France et le Gabon va prévoir à son article IV, la reconnaissance réciproque des grades et diplômes délivrés par les universités ou établissements d’enseignement supérieur délivrés dans chaque pays.

Enfin, le Mali et le Gabon entretiennent des relations bilatérales et diplomatiques excellentes. Il y a des étudiants gabonais qui poursuivent leurs études au Mali et des étudiants maliens au Gabon. Les deux pays sont par ailleurs, signataires de la Convention révisée de l’UNESCO sur la reconnaissance des études et des certificats, diplômes, grades et autres titres de l’enseignement supérieur dans les États d’Afrique du 12 décembre 2014 à Addis-Abeba en Éthiopie.

Cette convention prévoit que Chaque État Partie reconnaît les qualifications de l’enseignement supérieur conférées dans un autre État Partie.

Gabon Média Time : D’accord et c’est très clair, mais toutefois, le Gabon peut ne pas reconnaitre ces grades obtenus au CAFAG en violation de ces normes internes.

Pr NDINGA : Oui, le Gabon reste un Etat souverain sur son territoire. Mais, la convention de l’UNESCO dit expressément que Chaque Etat signataire du Traité, veille à ce que les procédures et critères utilisés pour l’évaluation et la reconnaissance des titres soient transparents, cohérents, fiables, équitables et non discriminatoires, notamment en les rendant publics. Voilà autant de conditions qui peuvent amener le Gabon à disqualifier les grades obtenus hors du Gabon. En outre, Toute Partie au traité a la faculté de dénoncer la présente Convention et ladite dénonciation doit être notifiée par un instrument écrit déposé auprès du Directeur général de l’UNESCO. L’Unesco étant un organe spécialisé de l’ONU, le tribunal compétent en cas de litige par rapport à l’interprétation de ce traité relève de la compétence unique de la Cour internationale de justice (CIJ). Cette cour pourrait par conséquent être saisie si par extraordinaire un gradé du CAFAG venait à être lésé dans la non reconnaissance de son grade par des justifications fallacieuses. Dans le même ordre d’idées, rappelons que la reconnaissance des diplômes au Gabon nécessite des étapes de légalisation et d’authentification, qui varient selon le pays d’obtention du diplôme. Pour les diplômes étrangers, cela implique la légalisation auprès de l’ambassade du pays d’obtention et du visa des services consulaires du Ministère des Affaires étrangères.

Gabon Média Time : Mais Professeur pourtant l’argument du non-respect du Décret n°866/PR/MES/MFP du 20 août 1981 fixant le statut particulier des personnels Enseignants de l’Enseignement Supérieur est valable ?

Pr NDINGA : Peut-être, mais c’est insuffisant ! Au vu de ce que j’ai expliqué auparavant, vous ne pouvez plus revenir sur cet argument. Ce texte date de 1981, il est caduc au vu de la pratique et de la convention de l’UNESCO.

En fait, qui respecte encore ce texte ? Tenez, il y a dans nos universités des professeurs Titulaires, ce grade est-il prévu par le décret 866 ? Non. Pourtant l’article 23 de la loi n°21/2000 du 10 janvier 2001 déterminant les principes fondamentaux de l’Enseignement supérieur en République gabonaise dit expressément que la liste des grades est fixée par décret et donc par le 866. Par ailleurs, la fameuse voie nationale, pour accéder aux différents grades, est-elle applicable ? Non. Le décret 866, recèle de nombreuses aberrations qu’il y a urgence de l’actualiser afin de répondre aux exigences du moment et l’arrimer aux standards internationaux. Ce texte viole même la Constitution gabonaise.

Gabon Média Time : Ah bon ! Que voulez-vous insinuez par-là ?

Pr NDINGA : Je n’insinue rien du tout, je m’en tiens uniquement au droit. J’explique : le décret 866 dit expressément que pour avancer en grade, il faut être inscrit dans les listes d’aptitude du CAMES très bien. Pourtant dans la Constitution gabonaise, il est constant depuis les années 60 que la collation des grades demeure la prérogative de l’Etat. Cet acte de souveraineté est réaffirmé avec force et rigueur par la Constitution gabonaise de 2024 adoptée par référendum qui prévoit à son article 32 que la collation des grades demeure la prérogative de l’État. Cette disposition constitutionnelle ne prévoit pas que ces différents grades seront décernés au nom de l’Etat gabonais, par un organisme de coopération inter- Etat. Ce n’est pas un texte aussi inférieur qu’un décret qui peut à lui seul confier la promotion des grades à un organe extérieur à l’Etat Gabonais ni même une loi ordinaire.

Gabon Média Time : Oui, mais pourquoi alors le CAFAG grade des enseignants chercheurs et Chercheurs ?

Pr NDINGA : Le CAFAG n’est pas un organisme international de promotion de grade mais un organe d’évaluation de droit associatif scientifique malien.

Ce système a une vocation internationale en recevant des Enseignants-Chercheurs, des Chercheurs et des indépendants leurs productions scientifiques, leur savoir-faire et la valorisation de leurs expériences académiques et professionnelles dans les centres de recherche, des universités partenaires publiques, privés ou indépendantes qui veulent faire évaluer leurs travaux de recherche dans l’optique d’être promu à un grade académique.

Après évaluation, si les travaux de recherches sont jugés valables et recevables par le conseil scientifique du CAFAG selon des critères presque communs aux autres systèmes semblables, le postulant se voit juger digne du grade sollicité et se verra délivrer, non une attestation, mais un diplôme de gradation qu’il pourra faire prévaloir partout où besoin sera.

Gabon Média Time : Mais lorsqu’un Etat signe les statuts et paie ses cotisations dans un organe d’évaluation et de promotion de grade comme celui du CAMES, est-ce que cela ne signifie pas que l’Etat est d’accord de confier la promotion des grades de ses enseignants et chercheurs du supérieur ?

Pr Steve NDINGA : Non, cela ne signifie pas accord, là où la Constitution n’a pas déléguée, aucun échelon inférieur ne peut le faire. Mieux, en parlant des cotisations, selon notre constitution, ne peuvent être approuvés et ratifiés qu’en vertu d’une loi : les traités engageant les finances de l’Etat ; et qu’en dehors des cas expressément prévus par la Constitution, la loi fixe les règles concernant : – les engagements financiers de toute nature et de tout terme de l’Etat : emprunt, garantie, cautions et avals. Tous ces grands principes sont d’ordre constitutionnel. Si une telle loi n’existe pas, cette fameuse cotisation est illégale constitutionnellement. De même, il y a bien des nominations par décret au sein du corps professoral supérieur au Gabon malgré que ce dernier soit membre fondateur du CAMES

Gabon Média Time : Nous tirons vers la fin de cet entretien Professeur, que pensez-vous du CAMES ?

Pr NDINGA : Je ne voulais pas en parler au cours de notre entretien, toutefois, retenons que la création de cette organisation intergouvernementale par les chefs d’État de l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM) à la suite de la conférence de Niamey de 1968 était une nécessité. Le CAMES a réalisé des actes salutaires qui forcent l’admiration de tous dans la prise en mains du destin des États africains au sortir des indépendances, en marquant une rupture radicale et de contestation de la tutelle de l’ordre colonial occidental, favorisant ainsi l’autonomie de l’université et de la recherche africaine, la promotion en grade de son personnel et le contrôle des titres universitaires dans un esprit d’unité de coopération interafricaine. 

Sans discontinuité depuis les années 70 à nos jours, le CAMES a rempli son rôle et nous lui rendons hommage pour le travail abattu.

Gabon Média Time : Diriez-vous tout de même que c’est un système d’évaluation fermée ?

Pr NDINGA : Je n’en sais rien ! et tout dépend de ce que vous voulez dire. S’il s’agit d’un système ouvert ou non aux autres organes d’évaluation. Dans sa décision n°so/cm/cames/2017-001 portant instauration de l’homologation permanente, le conseil des ministres du CAMES, en sa xxxi Vème session ordinaire tenue à Yaoundé, au Cameroun, du 22 au 26 mai 2017 a notamment jugé la nécessité de prendre en compte les enseignants-chercheurs et chercheurs ayant évolué dans un système de promotion autre que celui en vigueur dans les pays Membres de l’espace CAMES en décidant de l’institution de l’homologation comme voie permanente de promotion des enseignants-chercheurs et chercheurs des pays Membres dans le système CAMES. Mieux, selon l’article 13 de ses statuts, des Etats tiers, des organisations internationales et des associations peuvent être invités en qualité d’observateurs à leurs travaux, c’est aussi une forme d’ouverture je crois ! dans les deux cas, ce système me semble enclin à l’ouverture.

Gabon Média Time : Vous allez donc homologuer vos grades au CAMES pour être pris en compte car vos gradés subissent l’ostracisme notamment dans certains Etablissements ou Facultés où ils sont exclus de certains actes pédagogiques de même que vos diplômes ne sont pas certifiés conformes au secrétariat général de l’UOB.

Pr NDINGA : C’est impossible. Aucun texte juridique gabonais n’exige le respect d’une telle procédure. L’on ne peut hiérarchiser les deux systèmes.

S’agissant de l’ostracisme dont sont victimes certains gradés CAFAG, il faut bien dire que c’est une injustice qui peut conduire les victimes à saisir les tribunaux administratifs. Je conseille d’ailleurs au passage les responsables de certains établissements supérieurs publics à revoir cette manière de faire car de tels comportements peuvent être préjudiciables. Il ne revient pas aux chefs administratifs et pédagogiques dont les missions sont clairement définies (Administration, Pédagogie, Recherche, Coordination et Représentation) de fonctionner en l’absence des normes règlementaires admises. A ce jour, il n’y a aucune note officielle venant de la tutelle ni d’ailleurs du gouvernement gabonais qui exigerait le retrait aux gradés CAFAG tout avantage (financier, pédagogique et même d’encadrement) lié au grade.

Au sens du décret 340, les offres de formation, les parcours, les unités d’enseignements, leurs contenus et les modalités pédagogiques sont arrêtés par arrêté ministériel.

Mieux, il revient au Ministre de tutelle et à lui seul de prendre tous les actes de gestion sur le personnel enseignant universitaire dit l’article 25 de la loi n°21/2000 du 10 janvier 2001 déterminant les principes fondamentaux de l’Enseignement supérieur en République gabonaise. Prendre des décisions à la place de la tutelle relève du pénal. Ce sont des attitudes qui ne mesurent pas les risques encourus car elles participent pleinement, et c’est regrettable, de la violation de la Convention de l’UNESCO.

Gabon Média Time : Que comptez-vous faire ? une action judiciaire est-elle en cours ?

Pr NDINGA : Je n’en dirais pas plus, désolé, mais dans tous les cas, il revient tout simplement aux gradés CAFAG lésés par cette situation de saisir la tutelle dans un recours hiérarchique et le juge administratif en cas de suite défavorable.

Gabon Média Time : Ces derniers risquent-ils gros ?

Pr NDINGA : (Rire) Tout administrateur qui aura entrainé l’administration dans un procès devant la justice et que cette dernière a dû payer d’énormes dommages et intérêts, l’Administration peut se retourner contre ce dernier par l’action récursoire afin que celui-ci paye sa côte part de responsabilité, cette action est généralement déclenchée par l’Agence judiciaire de l’Etat (AJE). Mais en cas d’usurpation de titre, le juge judiciaire sera saisi.

Gabon Média Time : Votre mot de fin ?

Pr NDINGA : Nous ne sommes plus à l’ère des revendications coloniales, plus de soixante ans après les indépendances, le Gabon a dorénavant des universitaires de grandes statures dans tous les domaines, capables de grader leurs pairs.

Notre pays est désormais ouvert au monde. Au même titre que ses étudiants ramènent des diplômes de tous les Continents, ses enseignants et chercheurs peuvent aussi postuler à d’autres types de système de gradation et c’est dans cette optique que nous invite l’UNESCO en soutenant les outils et pratiques de reconnaissance mutuelle des qualifications dans l’enseignement supérieur.

A cet effet, la Convention l’UNESCO constitue une plateforme mondiale permettant aux autorités nationales de collaborer au-delà des frontières et des régions. Elle favorise la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, aussi bien lorsqu’ils partent à l’extérieur que lorsqu’ils reviennent dans leur pays d’origine avec des qualifications obtenues à l’étranger. Il en résulte une plus grande inclusion, un meilleur accès, ainsi qu’une confiance accrue dans l’enseignement supérieur.

Merci infiniment de m’avoir permis d’éclairer dans cet entretien, la communauté universitaire, l’opinion nationale et internationale, ainsi que les futures candidatures aux grades de CAFAG. Que la Session de Gradation de CAFAG de Libreville pour 2026 connaisse un franc succès.

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