Emploi au Gabon : le «mur de verre» qui enferme la jeunesse entre diplômes inutiles et expérience introuvable
Selon Afrobarometer, les jeunes Gabonais identifient deux obstacles majeurs à leur insertion professionnelle : le manque d’expérience et l’inadéquation entre formation et emploi. Un diagnostic sévère qui met en lumière l’échec d’un système éducatif incapable de produire des compétences réellement employables.
Les données d’Afrobarometer publiées le 13 novembre 2025 dressent un constat sans appel : la jeunesse gabonaise est confrontée à un « mur de verre » qui l’empêche de s’insérer dans l’économie nationale. Pour la majorité des 18-35 ans interrogés, le premier frein à l’emploi est le manque d’expérience, suivi de près par l’inadéquation entre les formations reçues et les besoins réels du marché.
Derrière ces chiffres, c’est tout un modèle de formation qui vacille. Pendant que les universités produisent des cohortes de diplômés en droit, sociologie, communication ou administration, les entreprises — publiques comme privées — peinent à recruter des profils opérationnels dans l’industrie, l’énergie, le numérique, l’agroalimentaire ou les métiers techniques.
Manque d’expérience : la spirale infernale de l’employabilité impossible
Comment acquérir de l’expérience quand personne ne donne sa chance ? Pour près de la moitié des jeunes interrogés, l’insertion est bloquée dès la première marche : aucune entreprise ne semble prête à recruter des débutants. Dans l’administration publique comme dans le secteur privé, les offres d’emploi exigent plusieurs années d’expérience… que les jeunes n’ont évidemment pas.
Cette contradiction structurelle crée une situation explosive : des milliers de diplômés se retrouvent coincés dans un cycle sans fin — pas d’emploi sans expérience, pas d’expérience sans emploi. Les stages, théoriquement conçus pour combler ce manque, sont rares, souvent non rémunérés et parfois détournés en main-d’œuvre gratuite.
Formation–Emploi : un décalage devenu gouffre
Des diplômes qui ne renvoient plus à aucun besoin économique réel. Afrobarometer met en évidence une critique profonde de la formation nationale : la jeunesse estime que ses compétences ne correspondent tout simplement pas aux opportunités économiques disponibles.
Ce décalage touche particulièrement les filières littéraires et généralistes, les formations universitaires sans débouchés professionnels, l’absence de filières techniques adaptées aux besoins de la transition énergétique et de l’agro-industrie ou des métiers numériques.
Le constat contraste avec un pays où l’on importe encore massivement main-d’œuvre étrangère pour l’électricité, le bâtiment, la maintenance industrielle, la menuiserie PVC, l’informatique ou le génie civil. La déconnexion est donc totale : le pays a besoin de compétences que le système éducatif ne produit pas.
Le mythe du diplôme protecteur est définitivement tombé
Pendant longtemps, le diplôme gabonais promettait une mobilité sociale automatique : fonction publique, banques, pétrole, télécoms… Aujourd’hui, cette garantie a disparu. Afrobarometer révèle une jeunesse qui ne croit plus à la méritocratie scolaire, mais qui ne trouve pas non plus d’alternative dans l’entrepreneuriat, miné par le manque de financement, l’accès difficile aux marchés publics et l’absence de mentorat. Ce fossé crée un malaise profond : une génération éduquée, parfois très qualifiée, mais structurellement empêchée.
L’ère post-30 août 2023 avait ravivé l’espoir d’une transformation rapide. Mais Afrobarometer signale que la reconstruction de l’économie ne sera rien sans une refonte du système éducatif et une politique nationale de stages, d’apprentissage et d’insertion. Au moment où l’État promet une industrialisation accélérée, le pays risque un paradoxe insensé : des projets sans main-d’œuvre locale, et une jeunesse hautement formée mais condamnée à attendre. La Vème République est donc face à un choix historique : réformer ou perdre une génération entière.









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