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Élections 2025 : trois anciens Premiers ministres appellent à l’annulation du scrutin

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Au lendemain des législatives et locales du samedi 27 septembre 2025, la contestation s’organise au sommet de la classe politique. Trois anciens Premiers ministres – Raymond Ndong Sima, Julien Nkoghe Bekale et Alain-Claude Bilie-By-Nze – tirent la sonnette d’alarme et dénoncent un scrutin « chaotique », entaché d’irrégularités et de fraudes massives. Tous appellent à l’annulation pure et simple du processus, mettant le gouvernement Oligui Nguema face à une épreuve de vérité.

Le 30 août 2023 avait nourri l’espoir d’un nouveau départ pour le Gabon. Deux ans plus tard, le double scrutin législatif et local vient brutalement raviver les vieux démons électoraux. Dans un rare front commun, trois anciens chefs de gouvernement ont uni leurs voix pour dénoncer un processus jugé biaisé, pointant tour à tour la responsabilité du gouvernement, l’usage abusif des procurations, et des pratiques électorales « d’un autre âge ». Leur message est clair : sans annulation, la Transition risque de perdre toute légitimité.

« Retour à la case départ » : le constat amer de Ndong Sima

Pour Raymond Ndong Sima, président de l’Alliance patriotique et ancien Premier ministre de la Transition, le scrutin du 27 septembre illustre tristement un retour aux travers électoraux que la promesse du 30 août 2023 avait juré d’enterrer. Il a décrié un processus miné par la fraude organisée : des bus entiers de ce qu’il appelle des « électeurs mercenaires » déplacés artificiellement vers des circonscriptions où ils n’avaient ni attaches familiales ni intérêts économiques, des listes électorales encore gonflées de noms de personnes décédées, et des cartes d’électeurs échappant à tout contrôle. Autant d’éléments qui, selon lui, réduisent à néant l’idée même de sincérité du vote et ravivent le spectre des pratiques du passé.

Au-delà de la dénonciation, Ndong Sima tire la sonnette d’alarme sur le risque démocratique que représentent ces dérives. Il rappelle que le coup de force du 30 août avait suscité un immense espoir, celui d’un pays décidé à rompre avec la fraude et l’arbitraire pour renouer avec une compétition électorale équitable. Or, dit-il, la répétition des mêmes manipulations prouve que « le logiciel » n’a pas changé. Pour lui, une victoire obtenue par ces moyens ne saurait être synonyme de progrès : « Une victoire construite sur du mensonge est une victoire qui ne présage rien de bon », a-t-il averti, prévenant que de telles pratiques fragilisent non seulement la légitimité des élus, mais aussi la stabilité même de la Transition et la confiance des Gabonais dans leurs institutions.

Julien Nkoghe Bekale : « Un fiasco imputable au gouvernement »

Julien Nkoghe Bekale, ancien Premier ministre et cadre du Parti démocratique gabonais (PDG), a lui aussi dressé un constat sans appel. Il estime que les législatives et locales du 27 septembre ont été plombées par des « irrégularités massives » et une « organisation chaotique » sur l’ensemble du territoire, jetant une ombre sur la sincérité du scrutin.

Pour l’ex-chef du gouvernement, la responsabilité de ce fiasco ne saurait être imputée au PDG mais incombe directement à l’État et à son exécutif. « Ni le ministre de l’Intérieur ni les membres de la CNOCER ne sont encartés au PDG », a-t-il insisté, pointant le gouvernement comme unique responsable des dysfonctionnements. Dans le même souffle, il a lancé un appel solennel au président Brice Clotaire Oligui Nguema afin d’annuler le scrutin et de restaurer la confiance citoyenne : « Notre démocratie ne peut progresser sans vérité, sans justice et sans respect des règles. »

Bilie-By-Nze : un avertissement au sommet de l’État

Alain-Claude Bilie-By-Nze, président du parti Ensemble pour le Gabon et ancien Premier ministre, n’a pas mâché ses mots face aux dysfonctionnements du scrutin du 27 septembre. Dans une déclaration d’une rare virulence, il a directement interpellé le chef de l’État.  « Monsieur le Président, ayez le courage de reculer en annulant ces élections. N’écoutez pas ceux qui vous disent que tout va bien, ils l’ont dit hier à Ali Bongo et j’étais présent », a-t-il martelé, soulignant le danger de répéter les erreurs du passé.

Pour Alain Claude Bilie-By-Nze, le recours massif aux procurations et l’instrumentalisation de certains bureaux de vote sont venus entacher gravement la crédibilité du processus. Il alerte sur les conséquences à long terme d’un tel passage en force : « Si le Parlement devient illégitime, ce serait l’échec le plus grave de la Transition. » Dans son analyse, le risque est double : non seulement fragiliser les institutions issues de la nouvelle Constitution, déjà critiquées pour avoir affaibli le rôle du législatif, mais aussi provoquer une fracture de confiance durable entre les citoyens et la classe politique. Un avertissement qui, selon lui, devrait résonner au plus haut sommet de l’État afin d’éviter de replonger le Gabon dans les travers qui ont nourri la défiance populaire avant le 30 août 2023.

Une Transition fragilisée par la fraude 

En appelant de concert à l’annulation du scrutin, Raymond Ndong Sima, Julien Nkoghe Bekale et Alain-Claude Bilie-By-Nze posent une question lourde de sens : la Transition, censée refonder la démocratie gabonaise et restaurer la confiance citoyenne, peut-elle résister à un premier test d’une élection couplé miné par des irrégularités massives ? Pour les trois anciens Premiers ministres, le débat n’est pas simplement arithmétique, il est fondamentalement politique et moral. Leur inquiétude rejoint celle d’une partie de l’opinion publique y compris de la classe politique qui voit dans ce scrutin le spectre d’un retour aux vieilles pratiques : bourrages d’urnes, procurations abusives, listes électorales opaques et manipulation des résultats.

L’enjeu dépasse largement les résultats du 27 septembre. Il s’agit désormais de savoir si le Gabon est réellement capable de rompre avec des décennies de fraudes électorales et de compétition biaisée, ou si la Transition ne sera qu’une parenthèse rapidement refermée. Les trois personnalité mettent ainsi la pression sur le président Brice Clotaire Oligui Nguema : soit il assume la promesse de rupture faite le 30 août 2023 en annulant ce scrutin jugé illégitime, soit il prend le risque de voir s’installer une crise de confiance profonde qui pourrait durablement fragiliser l’édifice institutionnel de la Ve République naissante. Leur appel résonne donc comme un ultimatum politique et moral au cœur de la Transition.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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