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Gabon: acquitté après avoir purgé 8 ans de prison pour un vol qu’il n’a pas commis

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Elvis Nguema Obame, détenu à la prison centrale de Gros-Bouquet depuis 2013 pour une implication non élucidée dans un braquage, a été acquitté par la Cour criminelle de Libreville après 8 ans de détention préventive. Cet acquittement a été rendu possible grâce aux témoignages de l’individu et celui de son présumé complice qui a clairement indiqué qu’il ne l’avait jamais vu et que les propos contenus dans le procès verbal n’ont jamais été prononcés par lui.

La session criminelle se poursuit au sein de la Cour de céans depuis le lundi 15 mars dernier après une courte suspension. Au nombre des 47 affaires à juger, figure une qui devrait interpeller les autorités judiciaires compétentes sur la condition des détenus en milieu carcéral mais davantage sur les procédures les y ayant conduits. Les faits remontent à janvier 2013, lorsque Jean-Bernard Passy emprunte un taxi dans la commune d’Akanda. Seulement, il ignore qu’il vient d’embarquer dans un véhicule de malfaiteurs. 

Il lui faudra quelques minutes pour s’en apercevoir lorsqu’il est dépouillé de 100.000 FCFA et de ses 2 téléphones portables par Wilfried Nzoghe Nguema aidés par 3 de ses complices. Dans la foulée, la victime note la plaque d’immatriculation et alerte une de ses connaissances en poste au Commissariat de Nzeng-Ayong dans le 6ème arrondissement de Libreville. Bienheureusement, ses contacts sont réactifs et le principal malfrat est mis hors d’état de nuire. Sur ces entrefaites, il révèle les noms de ses complices. 

Un innocent emprisonné pendant 8 ans ?

À la grande surprise, celui qui sera gardé à vue puis détenu à « sans famille », est un parfait inconnu. D’ailleurs lors de leur comparution 8 ans après, Wilfried Nzoghe Nguema réitère sa version des faits en disculpant celui qui a purgé une lourde peine sur de simples convictions d’un policier. « Madame le président, comme je l’ai toujours dit depuis le début de cette histoire, je ne connais pas ce monsieur », a déclaré Wilfried Nzoghe Nguema à la barre.

En outre, il réaffirme avoir donné toutes les identités de ses 3 comparses. « J’ai même donné les noms de mes complices qui étaient avec moi ce jour-là. Mais étrangement, ils n’ont jamais comparu avec moi. Pire, je ne reconnais pas ce qui est consigné dans les procès verbaux à son sujet. Je ne peux donc pas faire inculper quelqu’un que je ne connais ni de près ni de loin à une action à laquelle il n’a pas participé », a-t-il conclu à ce propos.

Pour sa part, le détenu sans motif justifié, a déploré le triste sort dont il est l’objet depuis 8 ans sans possibilité d’être entendu. « Je paie pour un délit que je n’ai jamais commis. J’ai été appréhendé par les policiers sans motif », a  déclaré Elvis Nguema Obame au bord des larmes. En réaction, la procureure générale a dénoncé une entente des deux individus pour tourner en bourrique la justice gabonaise. 

Un jugement adapté à la réalité

Lors de son réquisitoire, la procureure a demandé 15 ans de prison et 500.000 FCFA d’amende chacun. Une requête balayée du revers de la main par la défense qui s’est sans doute aperçue du vide dans le dossier du présumé complice. Finalement, la Cour a prononcé l’acquittement pur et simple d’Elvis Nguema Obame au motif qu’aucune preuve n’a été fournie afin de justifier une implication. Quant à Wilfried Nzoghe Nguema, il a été reconnu coupable de vol aggravé et condamné à 5 ans de prison assorti d’une amende de 100.000 FCFA. Compte tenu des 8 années passées derrière les barreaux, il devrait tout logiquement recouvrer sa liberté.

Une indemnisation pécuniaire s’impose 

Elvis Nguema Obame est un compatriote qui jouit des mêmes droits que tous les autres. Sauf qu’à cause  de ce qui s’apparente d’emblée à un déboire judiciaire, il a perdu 8 années de sa vie à côtoyer ceux qui ont présenté un danger pour la société. Lui, l’innocent gardé à vue et placé sous mandat de dépôt, aurait pu mettre à contribution ces 2920 jours pour se réaliser. 

Notons qu’en 8 ans, un étudiant de première année assidu aurait pu être titulaire d’un doctorat. Pareillement, un élève inscrit en classe de 6ème aurait déjà décroché son baccalauréat entre 2013 et 2021. Toute chose qui démontre l’impact négatif qu’a eu cette décision inique et injuste. D’ailleurs, la famille de la victime de la Justice Gabonaise gagnerait à interjeter appel auprès de la Cour pour solliciter une réparation certaine et au prorata du dommage subi.

Quid de la détention préventive « éternelle » au Gabon

Cette affaire aux allures banales tant il en existe plusieurs de même type, revêt tout de même une portée plus grave qu’il ne paraît. Et pour cause, nul n’ignore qu’en République Gabonaise, nombreux sont les individus qui sont détenus dans les geôles de la prison pour des affaires dont les condamnations n’excèdent pas 3 ans. Récemment l’association SOS prisonniers attirait l’attention sur le cas d’une détenue qui aurait rendu l’âme en prison centrale alors qu’elle n’avait jamais été jugée pour un vol à la tire. 

La semaine écoulée, c’est un détenu à la maison d’arrêt de Mouila qui a rendu l’âme à la suite d’une courte maladie alors qu’il était incarcéré pour un simple vol. Causant au passage une mutinerie. Preuve qu’au-delà des conditions de détention indécentes, il y a une procédure judiciaire qui ressemble à une marche sans fin. Où l’on sait quand on est placé sous mandat de dépôt mais rarement quand on sera jugé pour l’inculpation portée à notre encontre. De quoi se demander si la ministre de la Justice garde des sceaux Erlyne Antonella Ndembet épouse Damas a conscience de la gravité de la situation qu’elle laisse perdurer. Vivement une réaction prompte de la Garde des sceaux.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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