Dette publique : le Gabon face au mur de la soutenabilité

Alors que le président Brice Clotaire Oligui Nguéma a rappelé, à l’issue du Conseil des ministres du 12 août, que « la soutenabilité de la dette publique » constitue une ligne rouge à ne pas franchir, les chiffres du Cadrage macroéconomique 2026-2028 dressent un tableau préoccupant. Le ratio dette/PIB passerait de 44% en 2025 à 60,4% en 2026, puis 72,6% en 2027 avant de redescendre à 70,9% en 2028, franchissant ainsi le seuil prudentiel fixé par la CEMAC.
Une trajectoire explosive de l’endettement. Selon le document gouvernemental, la dette extérieure brute grimperait de 4 313,5 milliards de FCFA en 2025 à 7 336,1 milliards de FCFA en 2028, soit une augmentation de plus de 70% en trois ans. Cette trajectoire interroge sur la cohérence entre le discours présidentiel et la réalité budgétaire. Dans un contexte mondial marqué par la hausse des taux d’intérêt, cette progression rapide alourdit mécaniquement la charge du service de la dette et réduit les marges de manœuvre budgétaires.
Chaque franc emprunté aujourd’hui est un franc à rembourser demain, avec intérêts. Or, cette montée en puissance de l’endettement n’est pas compensée par un choc massif d’investissement productif. Les ressources propres consacrées aux investissements publics plafonnent à 314,1 milliards de FCFA par an, loin des niveaux requis pour transformer structurellement l’économie.
Entre promesses de projets et réalité des finances publiques
Le cadrage budgétaire lui-même met en garde : « l’accumulation de nouveaux emprunts extérieurs pourrait rapidement accroître la vulnérabilité du pays face aux aléas économiques et financiers ». Autrement dit, l’endettement croît plus vite que la capacité réelle de l’économie à générer de la richesse pour le rembourser.
Cette contradiction illustre le dilemme du gouvernement : financer de grands projets pour impulser la croissance, tout en évitant que la dette ne devienne insoutenable. Mais à défaut d’une réforme fiscale vigoureuse et d’une gestion rigoureuse des dépenses, le risque est grand que la dette serve moins à investir qu’à combler des déficits courants.
Le spectre des ajustements budgétaires brutaux
Avec une économie toujours dépendante du pétrole, une chute des prix ou un recul de la production compromettrait la capacité de remboursement. Les créanciers pourraient alors exiger des ajustements budgétaires brutaux – coupes dans les dépenses sociales, gel de salaires publics, réduction des subventions – qui iraient à l’encontre de l’engagement présidentiel de protéger les populations vulnérables.
En somme, si la soutenabilité de la dette reste un objectif affiché au sommet de l’État, la dynamique actuelle interroge sur la crédibilité de cet engagement. Plus qu’un slogan, elle suppose un effort immédiat de réforme, de discipline budgétaire et de transparence pour éviter que le Gabon ne s’enferme dans un cercle vicieux de dépendance financière.
GMT TV