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Déguerpissements à Akanda : l’appel à l’humanité des oubliés du Premier Campement

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Alors que la commune d’Akanda entre à son tour dans le viseur des opérations de déguerpissement initiées dans le Grand Libreville, les familles du quartier dit Premier Campement dénoncent des méthodes brutales, sans explications ni alternatives. Face à cette précarité imposée, elles interpellent le président Brice Clotaire Oligui Nguema et réclament justice.

Une opération opaque dans un quartier enraciné. Après Libreville et Owendo, c’est désormais Akanda qui subit une nouvelle vague d’expulsions, sans qu’aucune information préalable ne soit officiellement donnée. Dans le quartier Premier Campement, les marques « À démolir sans délai » ont été posées directement sur les maisons, souvent en présence de militaires. « Personne ne nous a dit ce qui se passe. Il n’y a ni document, ni réunion, ni plan. Seulement des marques et des menaces », confie Jules Mouleghi, porte-parole des habitants.

Pourtant, ce quartier n’est pas une occupation récente. Depuis les années 1960, des familles y vivent, installées dans un périmètre alors ouvert, après des années de service dans les travaux de reboisement pour les Eaux et Forêts. Malgré les démarches entreprises depuis 2008 pour régulariser leur situation, les habitants n’ont jamais obtenu de réponse favorable, ni de la Direction du cadastre, ni de l’ANUTTC.

Un flou juridique et une violence psychologique

Les habitants dénoncent non seulement l’absence de procédure légale, mais aussi une violence psychologique quotidienne. « On nous donne 24 heures pour partir. Avec des enfants, des malades, sans aucune solution. C’est de l’humiliation », alerte Jules Mouleghi. L’arrivée soudaine des agents, parfois escortés, crée un climat de peur. Les habitants se disent « choqués », « menacés », et même « traqués ».

Ce vide de communication, couplé à une action précipitée, interroge : quel projet d’intérêt public justifie un tel traitement des populations ? Et pourquoi les autorités refusent-elles d’ouvrir le dialogue, d’expliquer les motivations ou de proposer un relogement ? Pour ces familles, l’opacité est aussi douloureuse que la perspective de l’exil forcé.

Une urbanisation sans mémoire ni humanité ?

Derrière ces déguerpissements en série se cache un enjeu crucial : celui de la cohérence de la politique urbaine dans le Grand Libreville. Si l’assainissement du cadre de vie est une priorité affichée par le gouvernement de transition, sa mise en œuvre semble se faire au mépris des droits sociaux et de la mémoire collective. « Nos parents ont planté les Okoumés. Ce quartier est leur héritage », rappelle le porte-parole.

En s’en prenant sans ménagement à des zones habitées depuis plus d’un demi-siècle, l’État renvoie une image d’intransigeance et d’oubli. À l’heure où le chef de l’État prône une gouvernance fondée sur l’écoute et la justice, ces méthodes brutales font tâche.

Un arbitrage attendu au sommet de l’État

Les habitants du Premier Campement ne réclament pas l’impunité, mais la dignité. Ils soutiennent les efforts de modernisation du pays, à condition que ces transformations n’effacent pas l’histoire de ceux qui ont bâti, planté, habité. « Monsieur le président, regardez-nous. Ce n’est pas une tôle ou un mur qui fait un citoyen. C’est son attachement à la terre, à sa famille, à sa communauté », plaide Jules Mouleghi.

En appelant à l’arbitrage présidentiel, ces familles posent une question qui interpelle l’ensemble du pays : l’émergence du Gabon se fera-t-elle avec ou sans ses citoyens les plus vulnérables ? Le Premier Campement pourrait bien devenir le symbole de cette bataille silencieuse entre modernité et humanité.

Geneviève Dewuno Edou

Diplômée en journalisme,je suis chargée des rubriques Santé en plus d’être l’une des voix derrière de nombreux reportages de GMTtv. L'écriture, la pose de voix, la présentation du Journal télévisé sont les principales tâches que j’exécute et pour lesquelles je mets mes capacités au quotidien au profit de la rédaction de Gabon Media Time.

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