Croissance sans inclusion : le piège économique qui guette le Gabon

Malgré une croissance économique de 2,9 % en 2024, portée par le pétrole et les infrastructures, le Gabon reste confronté à une fracture sociale persistante. Une nouvelle note de conjoncture de la Banque mondiale alerte sur un décalage inquiétant entre performance macroéconomique et conditions de vie de la majorité des Gabonais.
Le Gabon progresse sur le papier, mais dans le réel, il stagne pour une grande partie de sa population. C’est le constat amer dressé par la Banque mondiale dans sa dernière évaluation de la conjoncture nationale. Si les indicateurs économiques suggèrent une reprise, avec une croissance attendue autour de 2,4 % entre 2025 et 2027, les bénéfices de cette dynamique peinent à se diffuser vers les ménages, particulièrement les plus vulnérables.
En 2023, près de 35 % de la population gabonaise vivait toujours sous le seuil de pauvreté national, un chiffre qui souligne la persistance d’un fossé entre croissance économique et bien-être social. Cette situation révèle une croissance « à deux vitesses », tirée par des secteurs peu inclusifs comme le pétrole, les mines et le BTP – des secteurs à forte intensité capitalistique mais à faible création d’emplois durables.
Des indicateurs qui masquent des réalités humaines difficiles
Malgré un indice de développement humain (IDH) de 0,693, qui place le Gabon au 8ᵉ rang africain, les inégalités internes effacent une part importante de ces progrès. Une fois ajusté aux inégalités, cet indice chute à 0,526, révélant que près d’un quart des avancées en santé, éducation et niveau de vie sont annulées par les disparités sociales. L’espérance de vie reste limitée à environ 65 ans, et l’accès à l’éducation reste insuffisant : de nombreux enfants n’achèvent pas un cycle scolaire complet.
Dans les périphéries urbaines comme en milieu rural, l’État peine à assurer une présence efficace. Le secteur informel, non protégé, domine toujours l’économie réelle, et les dépenses sociales, bien que revues à la hausse (+15 % en 2024), ne parviennent pas à inverser la tendance.
Pour une croissance qui profite à tous
Face à ce constat, la Banque mondiale appelle à un changement profond de stratégie, préconisant un recentrage des priorités budgétaires vers l’investissement dans le capital humain, les services sociaux de base et les infrastructures rurales. L’objectif n’est plus seulement de croître, mais de croître mieux, en redistribuant les fruits de la croissance.
Sans réformes structurelles dans l’éducation, la santé, l’emploi et la protection sociale, le Gabon risque de s’enliser dans une croissance sans développement, avec des conséquences potentiellement déstabilisatrices sur le plan politique. Car, comme le souligne la note de la Banque mondiale, la stabilité retrouvée ne saurait être durable sans justice sociale ni inclusion économique.
Croissance réelle ou illusion statistique ?
Le cas gabonais illustre ce paradoxe bien connu : des moyennes nationales qui cachent des extrêmes, des progrès économiques qui ne ruissellent pas, et une classe politique appelée à revoir ses priorités. En l’absence d’une redistribution équitable et d’un investissement massif dans le tissu social, la croissance restera un mirage pour des millions de Gabonais.
Ce défi, celui d’une croissance inclusive, est aujourd’hui un impératif, non plus seulement économique, mais aussi moral et politique.
GMT TV