Crise dans les régies financières: le rocher de Sisyphe
La crise dans les Régies Financières de notre pays est en tout point la matérialisation du mythe de Sisyphe. Ce fait mythologique qui nous rapporte que « Sisyphe, pour avoir trompé les dieux, a été condamné à pousser jusqu’au sommet d’une colline un lourd rocher. Cependant, une fois au sommet, Sisyphe n’avait pas assez de place pour y bloquer son rocher qui redescendait aussitôt, l’obligeant à la remonter encore… »
En effet, il nous plaît de penser que, comme Sisyphe, le Gouvernement de la République est tout aise des crises interminables dans les Régies Financières qui, et pourtant, plombent sérieusement la collecte des ressources budgétaires en compromettant la mise en œuvre des politiques publiques. Ce constat est une évidence au regard de la trajectoire donnée par ce Gouvernement quant à la gestion, somme toute, cavalière des Régies Financières.
Aujourd’hui, plus que jamais, le feu qui couvait sous les cendres se ravive et de la plus forte de manière. L’apparente accalmie observée depuis quelques mois fond comme peau de chagrin et l’histoire donne entièrement raison à la puissante Fédération des Collecteurs des Régies Financières (FECOREFI).
Cette fédération est restée constante et à toujours privilégié la préservation des équilibres. Au lancement de leur grève générale le 13 juillet de l’année dernière, qui a lourdement impacté sur les recettes budgétaires, la FECOREFI dénonçait déjà le silence méprisant du Gouvernement qui rechigne jusqu’à présent à trouver des solutions pérennes aux maux qui minent ce secteur hautement stratégique pour nos finances publiques. L’isolationnisme qui caractérise le Gouvernement l’a conduit à proposer et à faire signer au Président de la République, Chef de l’Etat deux décrets sensés sacraliser la gestion et le paiement de la prime aux agents des Régies financières et Administrations assimilées.
Là encore, la Fédération des Collecteurs des Régies financières a dénoncé certaines dispositions qui, à son sens, portaient les germes de leur propre destruction et par conséquent annihileraient les efforts et la vision du Chef de l’Etat à vouloir régler définitivement le problème des Régies financières. Mais c’était sans compter avec la volonté de certains membres du Gouvernement pour qui cette gestion scabreuse des mamelles de l’Etat ferait leurs affaires.
Rien ne peux expliquer qu’après avoir démontré que l’Etat paye plus qu’il n’en faut à cause d’un fichier toxique des retraités, des doublons, des homonymies, des décédés et bien sûr des fantômes, le Gouvernement ne puisse se saisir de ces graves anomalies pour nettoyer ce fichier. Cette opération de nettoyage du fichier aurait permis à l’Etat de réaliser d’énormes économies. Au contraire, nous avons assisté à des recrutements massifs au mépris des instructions des plus hautes autorités gelant tout recrutement et ce, depuis 2017.
En faisant signer au Chef de l’Etat ces deux décrets, le Gouvernement a délibérément omis d’indiquer le caractère illégal de ceux-ci par rapport au Statut Général de la Fonction Publique, d’autant plus que les entités entendues comme « Régies financières » ne constituent pas une seule personne morale. Assujettir donc la prime à l’atteinte des objectifs budgétaires devient dans ce cas démagogique dans la mesure où ne disposant pas de statut particulier, les collecteurs ne peuvent faire l’objet d’une réglementation particulière en dehors du Statut général de la Fonction publique.
En écartant systématiquement les partenaires sociaux de toutes réflexions avant la conception de ces fameux décrets, le Gouvernement s’est fourvoyer en induisant la signature du Chef de l’Etat en erreur, car tous les paramètres d’appréciation de la fameuse performance n’ont pas été pris en compte. Pris au vif et sous la dictature de l’urgence, le Gouvernement a cru bon de rafistoler des dispositions inopérantes et inadaptée à la réalité de notre écosystème économique.
Qu’est-ce qui empêche concrètement les plus hautes autorités de la République à se saisir de ce problème afin d’y apporter des solutions définitives et pérennes ? La Fédération des Collecteurs des Régies Financières a mainte fois interpellé Madame le Premier Ministre, Chef du Gouvernement afin de lui apporter notre réflexion sur la situation et les pistes de solutions à explorer si tant est que la volonté d’accalmie soit réellement partagée. Nos démarches sont restées lettres mortes, elle n’a même pas daigné nous écouter.
Comment voulez-vous prendre de bonnes décisions en écoutant qu’un seul son de cloche, celui de vos Ministres qui sont quelques fois à l’origine de ces disfonctionnements et non écouter également les partenaires sociaux qui eux aussi ont leurs parts de vérités et de vision parfois bien plus large ?
Nous réitérons ici et maintenant, les partenaires sociaux ne sont ni des politiques appartenant à l’opposition encore moins vos adversaires. Le Gouvernement gagnerait à débarrasser leur perception de partenariat des oripeaux qui tronc leurs actions en les privant d’avis contraire pouvant contribuer à l’amélioration de nos cadres de vie. L’inclusion est un vain mot pour la classe dirigeante qui pense détenir la science infuse et le pouvoir divin.
Tout le débat est là et n’ayons pas peur de le dire : ils ont délibérément trompé le Président de la République, Chef de l’Etat. Sans remettre en question la pertinence de la performance dans nos administrations, pourquoi l’exiger aux uns et non à tous ? Depuis la mise en place du nouveau système de rémunération en 2015, les enseignants, enseignants-chercheurs et, sauf erreur de ma part, le personnel de santé ont vu leurs primes (PIF, PIRE etc…) introduite dans leur salaire sans que la République ne les traite d’enfants gâtés. Peut-on nous dire quels sont les critères d’évaluation de leur performance ?
Les parlementaires, ceux des corps constitués et bien d’autres bénéficient des primes bien que vous leur donnez une dénomination différente, quelle est leur performance ?
Sur un plan purement technique, de quels objectifs parle-t-on ? Objectifs budgétaires ou Objectifs en trésorerie ? Quelles sont les conditions de travail de ces agents collecteurs ? Quels sont les moyens mis à disposition pour atteindre lesdits objectifs ?
Qu’est-ce-qui explique cette crise persistante dans les Régies Financières tel le rocher de Sisyphe ?
Le Gouvernement, sensé trouver des solutions concrètes aux maux qui minent les Régies Financières, s’ingénue à vouloir appliquer des solutions superficielles à des problèmes profonds sur fond de mépris, d’entourloupe, d’opacité dans leur gestion, de trafic d’influence et de corruption.
L’occasion nous est donnée d’interpeller le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Madame Rose Christiane OSSOUKA RAPONDA sur l’impérieuse nécessité d’écouter les partenaires sociaux et d’ouvrir rapidement le dialogue inclusif afin que des solutions soit trouvées.
L’indifférence du Gouvernement face à cette situation est fortement préjudiciable pour nos finances publiques, car loin de favoriser une optimisation de la collecte des deniers publics, la démobilisation et la démotivation des agents conduira inexorablement ces derniers à multiplier les comportements déviants au détriment des caisses de l’Etat.
Le choix de l’endettement public au lieu du renforcement des capacités opérationnelles des Administrations collectrices ne se justifie nullement au regard des potentialités de notre tissu économique. Contre l’élargissement de l’assiette fiscal, la maîtrise du secteur informel, la lutte contre l’évasion fiscale, la maîtrise des dépenses fiscales et bien d’autres chantiers à fort impact financier, le Gouvernement préfère miser sur un endettement massif.
C’est dans cet environnement que la Fédération des Collecteurs des Régies Financières a décidé de mener son combat en faveur de la corporation des collecteurs. Tout en gardant notre liberté de ton et d’action, nous avons fait le choix du dialogue bien que cela nous vaut des insinuations surréalistes d’être corrompu, nous voulons rappeler à tous et à chacun ici, qu’il ne devrait exister aucun camp ni celui des gouvernants encore moins celui des gouvernés. Il n’y a qu’un seul camp celui du Gabon et de son Administration. Raison pour laquelle nous avons privilégié le dialogue que le débrayage systématique.
Nous devons nous asseoir et trouver des solutions ensemble
L’accalmie du climat social et la remobilisation des agents des Régies financières sont à ce prix. Le silence et l’indifférence jusqu’à ce jour manifestés par le Gouvernement et son Chef à l’égard des partenaires sociaux ne peut qu’assurer le prochain débrayage des collecteurs et ce, jusqu’à satisfaction totale de nos revendications. L’imminente Assemblée Générale qu’organisera la FECOREFI, livrera sa part de vérité et décidera en conséquence.