Copilgate : Ce qu’il faut savoir sur la gestion des 500 milliards FCFA !

Depuis plusieurs jours, l’affaire dite du « Copilgate » agite les réseaux sociaux et relance les débats sur la gestion des 503 milliards de FCFA mobilisés par le Gabon pour la riposte contre la Covid-19. Alors que l’opinion publique pointe du doigt l’ancien ministre de la Santé, et porte-parole du Copil-Covid, le Dr. Guy Patrick Obiang Ndong, une analyse approfondie des mécanismes de gestion de ces fonds révèle une responsabilité collective impliquant l’ensemble du gouvernement et la présidence de la République sous Ali Bongo Ondimba. Alors que la Cour des comptes ouvre une enquête attendue avec impatience, Gabon Media Time (GMT) décrypte cette affaire pour démêler le vrai du faux.
Au plus fort de la crise sanitaire mondiale déclenchée par le Covid-19, le Gabon a mobilisé une enveloppe colossale de 503 milliards de FCFA pour financer une riposte à la fois sanitaire, économique et sociale. Ce plan ambitieux, dévoilé dès avril 2020 par le président Ali Bongo Ondimba, visait à atténuer les impacts dévastateurs du virus sur la population et l’économie nationale. Contrairement à une idée répandue, ces fonds n’étaient pas exclusivement destinés au ministère de la Santé, mais répartis entre plusieurs ministères et institutions, sous la coordination directe de la présidence et de la Primature.
Une gestion interministérielle structurée
Le Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre l’épidémie à Coronavirus (Copil-Covid), institué par l’arrêté n°00008/PM du 25 février 2020, était un organe interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre, coordinateur général, et non du seul ministre de la Santé. Ce comité réunissait des représentants de divers ministères, chacun chargé de mettre en œuvre des actions spécifiques dans son domaine de compétence. La répartition des fonds suivait cette logique sectorielle. Sous la gestion du ministre de l’Économie et des finances, une enveloppe de 225 milliards de FCFA a été allouée à un guichet d’urgence.
Le but étant de soutenir les entreprises en difficulté, avec des moratoires sur les dettes bancaires. La prise en charge des factures d’eau et d’électricité pour les ménages vulnérables, évaluée à 7,3 milliards de FCFA, relevait également de ce ministère. Quant au ministre des solidarités sociales, elle avait été amenée à gérer une banque alimentaire dotée de 5 milliards de FCFA. Tandis que la gratuité des transports publics avait été instaurée pour faciliter la mobilité des populations. Notons également que les fonds alloués au ministère de la Santé étaient sous la supervision du coordonnateur technique du Copil-Covid et non du porte-parole.
Ces fonds étaient dédiés aux aspects médicaux et logistiques, tels que l’achat de matériel médical, la mise en place de centres de dépistage et la prise en charge des patients, les indemnités des professionnels de santé impliqués dans la crise sanitaire. Les documents consultés révèlent que le Fonds « Solidarité », qui comprenait une partie significative de l’enveloppe, était gérée par des proches de la présidence. Les autres secteurs ne sont pas en reste ainsi que les autres administrations. En mémoire, la réquisition d’hôtels pour l’isolement des patients, la fourniture de services de restauration, d’internet et de moyens logistiques impliquait des ministères comme celui de l’Intérieur, du Tourisme ou encore des Transports.
Une responsabilité collective, pas individuelle
Lors des conférences de presse du Copil-Covid, chaque ministre présentait son plan sectoriel de riposte contre l’ennemi commun numéro 1 de l’époque. Illustrant ainsi une synergie interministérielle orchestrée par la Primature et supervisée par la présidence, avec l’appui technique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ainsi donc, attribuer la gestion des 503 milliards de FCFA au seul ministère de la Santé, ou pire, à un individu comme le Dr. Guy Patrick Obiang Ndong, relève d’une simplification erronée, voire d’une tentative de désinformation.
Les fonds publics, avant leur décaissement, étaient approuvés par le ministre de l’Économie et logés dans les comptes publics, sous la supervision d’ordonnateurs de crédit, de contrôleurs budgétaires et d’agents comptables. Cette chaîne de validation impliquait des hauts fonctionnaires et plusieurs départements ministériels, rendant caduque l’idée d’une responsabilité unique. De plus, la taskforce mise en place par Ali Bongo Ondimba, assistée par son cabinet privé, jouait un rôle central dans la définition des priorités, la répartition des fonds et les commandes effectuées. La présidence elle-même a été à l’initiative de mesures phares, comme le fonds personnel de 2,1 milliards de FCFA géré par la CNAMGS démontrant son implication directe dans la gestion de la crise.
Une opacité dénoncée, mais un débat à dépersonnaliser
Malgré ces efforts, la société civile, notamment le collectif Copil Citoyen, emmené par Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, quatrième vice-président de l’Assemblée nationale de transition, a dénoncé une gestion opaque des fonds. Un rapport d’audit, dont les conclusions restent attendues, a mis en lumière des irrégularités potentielles, alimentant les soupçons de détournements. Si ces allégations doivent être prises au sérieux, il est crucial de ne pas tomber dans le piège d’une chasse aux sorcières ciblant un seul acteur. La structuration même du Copil-Covid, en tant que comité interministériel, et l’implication directe de la présidence démontrent que la gestion des 503 milliards de FCFA était une entreprise collective.
Accuser un individu ou un ministère en particulier revient à occulter la réalité d’une gouvernance partagée, où chaque acteur, du Premier ministre aux hauts fonctionnaires en passant par la présidence, avait un rôle à jouer. Alors que la Cour des comptes entame une enquête approfondie, il est impératif que celle-ci fasse toute la lumière sur la répartition et l’utilisation des fonds, sans céder à la tentation de boucs émissaires. Les hauts fonctionnaires impliqués, encore en poste ou non, devront répondre de leurs actes, tout comme les ordonnateurs et contrôleurs budgétaires.
La transparence est d’autant plus nécessaire que cette affaire, si elle venait à confirmer des malversations, pourrait entacher la crédibilité des institutions gabonaises. En attendant, il est urgent de dépersonnaliser le débat et de reconnaître l’implication collective dans la gestion de cette enveloppe exceptionnelle. Les 503 milliards de FCFA n’ont pas bénéficié qu’au ministère de la Santé, mais à l’ensemble du gouvernement et à des initiatives pilotées directement par la présidence. Seule une enquête rigoureuse permettra de démêler l’écheveau et de rétablir la confiance des Gabonais.
GMT TV