CNAMGS : finances douteuses, manœuvres internes… le système au bord de la rupture

Alors que le climat socio-économique du Gabon appelle à une gestion rigoureuse des finances publiques, une enquête menée par Gabon Media Time révèle de sérieuses défaillances au cœur de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS). États financiers jugés insincères, violations répétées des textes de gestion publique, missions internationales engagées sans base légale et pressions internes sur des administrateurs trop rigoureux : les signaux d’alarme se multiplient au sein d’un système à bout de souffle.
États financiers insincères et direction financière désavouée. Lors de sa dernière session, le conseil d’administration de la CNAMGS a officiellement acté « l’absence de sincérité » des comptes du 1er trimestre 2025. Une alerte grave sur la transparence budgétaire, alors même que la Caisse est censée assurer un service public vital. En conséquence, plusieurs décisions ont été prises : annulation de nominations irrégulières, restructuration complète de la direction financière et convocation d’un nouveau conseil pour examiner les comptes de 2023 et 2024 avant fin juin.
« Les chiffres présentés ne reflètent ni la réalité de la dette, ni celle des disponibilités de la Caisse », confie une source proche du dossier. Une situation qui, selon plusieurs administrateurs, met en péril la continuité des prestations sociales.
Flou juridique entretenu et gouvernance en déroute
Plus inquiétant encore : la confusion persistante sur le statut juridique de l’établissement. Des courriers consultés par Gabon Media Time révèlent que certains responsables assimilent encore la CNAMGS à un établissement public industriel et commercial (EPIC), alors qu’il s’agit, de façon incontestable, d’un établissement public administratif (EPA), soumis aux règles strictes de la gestion publique.
Ce positionnement erroné va à l’encontre des textes en vigueur, notamment les lois n°20/2005 et 036/2023, et du décret n°0076/PR/MAS du 14 février 2024. Une lecture volontairement biaisée, selon plusieurs observateurs, qui viserait à contourner les règles de redevabilité et à permettre des pratiques opaques.
Missions internationales engagées en dehors du cadre légal
Autre dérive majeure : plusieurs missions ont été engagées récemment à l’étranger (France, Turquie, Maroc, Italie) sans validation des organes statutaires. Selon nos sources, les ordres de mission ont été établis de manière unilatérale par la direction générale, en violation flagrante d’une note du ministère de tutelle datée du 21 mai 2025, qui suspendait l’usage des anciens barèmes de frais de mission.
Une demande officielle de clarification a d’ailleurs été adressée à la direction sur les mécanismes de décaissement appliqués actuellement.
Accusations ciblées : diversion ou règlement de comptes interne ?
En parallèle, une campagne vise étrangement le directeur général de Mika Service, par ailleurs président du conseil d’administration de la CNAMGS, accusé à tort d’arriérés de cotisations sociales. Pourtant, selon nos vérifications, les attestations de conformité ont bien été délivrées et les dettes principales apurées.
« Cette attaque est un écran de fumée pour détourner l’attention des vrais problèmes de gouvernance », analyse un expert en droit social. D’autant que la commission de remise gracieuse de la CNSS, qui aurait pu statuer sur les pénalités, ne peut siéger en raison de l’irrégularité de la nomination de son président.
Ce ciblage du PCA, représentant du patronat, laisse entrevoir des enjeux de pouvoir internes à la CNAMGS, où l’exigence de transparence semble déranger certains circuits établis.
Un système à bout, une gouvernance à réinventer
Alors que la crise interne s’aggrave, cette affaire révèle les limites d’un système encore résistant à la réforme. Mais face à la volonté politique affichée de renforcer la redevabilité et la gestion publique, l’étau se resserre. Les institutions s’organisent, les acteurs de bonne foi se mobilisent, et la lumière se fait peu à peu sur les zones d’ombre.
La CNAMGS n’échappera pas à l’exigence de transparence. L’avènement de la Vème République au Gabon, a aussi pour vocation de réconcilier efficacité publique et probité institutionnelle.
GMT TV