Gabon : Activités commerciales exercées par des expatriés, la loi existe, il faut l’appliquer !

Alors que les débats sur la place des expatriés dans le commerce local prennent une tournure diplomatique et politique, une évidence s’impose : le Gabon dispose déjà d’un cadre légal clair. La Loi n°005/2025 du 26 mars 2025 portant réglementation et promotion des activités commerciales, promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel le 28 mars 2025, consacre la liberté de commerce pour les Gabonais et soumet les étrangers à des conditions strictes. Pourtant, faute de décrets d’application, ce texte reste lettre morte.
Une loi née des recommandations du Dialogue national. Adoptée à la suite du Dialogue national inclusif d’avril 2024, cette loi répondait à une volonté affirmée de souveraineté économique. Le texte initial, critiqué pour son caractère répressif et son absence de vision, avait été largement amendé par l’Assemblée nationale de Transition.
« Les députés ont totalement inversé la logique, en instaurant une préférence nationale claire et en obligeant les expatriés à se constituer en société avec des Gabonais, tout en prévoyant des plans de diversification à moyen terme », rappelle Jean Valentin Leyama, parlementaire et analyste politique.
Des dispositions ambitieuses mais suspendues aux décrets
L’article 4 de la loi est sans équivoque : « L’exercice de l’activité commerciale sur l’ensemble du territoire national est libre pour tout Gabonais. Toute personne de nationalité étrangère désirant exercer une activité commerciale doit se constituer en société dont le capital est conforme au Code des investissements et obtenir un agrément du ministère du Commerce. »
Parmi les mesures phares, figurent : l’obligation de réserver 90% des emplois aux Gabonais, avec un plan de formation pour les postes spécialisés ; l’interdiction d’utiliser des prête-noms, sanctionnée par dix ans d’interdiction d’exercer ; un programme de diversification imposé aux opérateurs étrangers, afin de créer de la valeur ajoutée et réduire le simple négoce import-export ; des mesures incitatives spécifiques pour les femmes, les jeunes et les personnes handicapées.
« Cette loi a été pensée pour protéger le petit commerce gabonais et encourager l’entrepreneuriat national, tout en encadrant l’activité des étrangers. Le problème n’est plus juridique mais politique : il faut appliquer la loi », insiste un juriste interrogé par Gabon Media Time.
Entre volonté politique et attentes sociales
Le texte accorde par ailleurs un délai d’un an aux opérateurs économiques pour se mettre en conformité. Or, cinq mois après sa promulgation, les décrets fixant la liste des activités réservées aux nationaux et celles ouvertes aux étrangers tardent encore à être adoptés en Conseil des ministres.
Cette lenteur nourrit les tensions. Dans certains quartiers populaires de Libreville, la prolifération de débits de boisson, d’épiceries et de commerces de détail tenus par des expatriés suscite frustration et sentiment d’injustice. « Le Gouvernement aurait pu éviter cette polémique en appliquant tout simplement la loi », regrette Jean Valentin Leyama.
Un test de volonté pour l’Exécutif
Au moment où le pays célèbre ses 65 ans d’indépendance, cette question prend une dimension symbolique. Faut-il continuer à laisser prospérer un désordre commercial qui fragilise les nationaux, ou engager enfin la mise en œuvre d’un texte voté et promulgué ? « Le Gouvernement aura-t-il le courage politique d’appliquer la loi ? C’est le moment », conclut Jean Valentin Leyama dans une tribune transmise à notre rédaction.
Dans l’attente des décrets, le secteur commercial reste suspendu entre la promesse d’un encadrement nationaliste et la réalité d’une concurrence parfois jugée déloyale. Un vrai test de gouvernance pour la jeune Ve République.
GMT TV