Baccalauréat 2025 : l’école gabonaise en échec, le déclin d’un modèle à bout de souffle

Avec un taux d’admission peu élogieux au premier tour, avec 30,24% en Général, le baccalauréat 2025 expose une crise structurelle de l’enseignement des matières classiques au Gabon. Tandis que les filières techniques sauvent l’honneur avec 53,63% cette année en hausse de 8 points par rapport à l’année écoulée, l’échec massif notable soulève des questions sur la pertinence d’un système éducatif en perte de sens.
Proclamés le samedi 12 juillet 2025 par la ministre d’État, en charge de l’Éducation nationale, Camélia Ntoutoume Leclercq, les résultats du premier tour du Baccalauréat 2025 résonnent comme une alarme. Puisque sur un total de 29 684 candidats présents, seuls 9 837 ont été déclarés admis d’office, soit 33,13 % cumulés. Une chute continue si l’on considère les 36,07 % de 2024, et les plus de 80 % atteints en 2023, année d’exception. Mais au-delà des chiffres bruts, c’est l’enseignement général qui inquiète le plus.
Et pour cause, avec près de 90 % des effectifs en classe de terminale, ce format classique semble désormais être le réceptacle de l’échec. Comment expliquer un maigre taux d’admission de 30,24 % qui correspond à 7864 élèves admis sur 26 005 ayant composé ? Que dire du 23,02 % d’élèves ajournés ? Pour rappel, l’année 2024 avait vu 8 521 admis d’office soit 34,87 % sur un total de 24 440 candidats en classe. Cette branche du système éducatif montre des signes évidents d’épuisement. En cause : un modèle pédagogique rigide, ancré dans une logique de restitution au détriment de la pensée critique et de la compétence. Les réformes, souvent annoncées, peinent à produire des effets tangibles.
L’enseignement technique, l’inattendu contre-exemple
À l’opposé, l’enseignement technique enregistre une performance remarquée et remarquable à bien des égards cette année 2025. Sur 3 679 candidats présents, 53,63 % ont franchi la barre du premier tour. Par rapport à l’année N-1 c’est-à-dire 2024, l’on dénombrait 3 361 candidats présents pour 1 508 admis soit seulement 44,87 %. Il va sans dire que les élèves de cette branche ont décidé de se réveiller quand d’autres persistent dans le sommeil négatif de l’échec. « Le bacho » n’étant plus qu’un diplôme permettant d’entrevoir une carrière militaire.
Mais ce succès technologique interroge. Est-ce l’effet d’un encadrement plus rigoureux, de contenus plus professionnalisants, ou simplement d’une meilleure adéquation avec les besoins du pays ? Pour la ministre de l’Éducation nationale, ces résultats réhabilitent « des filières longtemps sous-valorisées dans l’imaginaire collectif ». Une inversion de perception bienvenue, à l’heure où le Gabon cherche à diversifier son économie. La réussite technique offre ainsi un exemple de filière à fort potentiel, en prise avec les réalités du marché.
Le second tour comme révélateur, pas comme solution
Avec 13 469 candidats admissibles, le second tour, prévu du 15 au 18 juillet, constitue une respiration. Un véritable ouf pour les autorités publiques qui espèrent voir grimper les chiffres au niveau quelque peu stalinien si on se fie à la réalité de l’année académique écoulée qui rimait étrangement avec l’agenda du référendum constitutionnel. Mais ce second tour souvent « généreux » ne changera pas l’essentiel. Car l’enjeu n’est pas tant de gonfler artificiellement les statistiques finales que de poser les bonnes questions sur le fond.
Le Baccalauréat, diplôme sanctionnant la fin du lycée, reste un thermomètre, pas un traitement. Et le diagnostic est clair : l’école gabonaise souffre d’un déséquilibre profond. Le contexte électoral, la discipline renforcée, les mesures de sécurité prises dans les centres, y compris pour les élèves en situation de handicap, ont montré un État volontariste. Mais la défaillance est ailleurs : dans la qualité de l’enseignement, la formation des enseignants, l’adéquation des programmes, et la valorisation des parcours alternatifs.
Réinventer ou s’effondrer
En définitive, cette session 2025 du Baccalauréat ne livre pas qu’un taux d’admission : elle met à nu l’agonie d’un système. Peut-on encore défendre un modèle éducatif qui ne prépare ni à l’emploi, ni à l’autonomie intellectuelle, ni à la citoyenneté éclairée ? Le mérite des élèves, la résilience des enseignants, et les réformes de façade ne suffisent plus. Ce qu’il faut, c’est une rupture.
Le gouvernement de la Vème République doit avoir le courage politique de poser un diagnostic lucide, puis d’assumer une refonte complète du système éducatif : programmes, formation des enseignants, gouvernance, infrastructures. Sinon, chaque session du Bac ne sera qu’un rappel brutal de l’échec accumulé.
Le Gabon ne manque ni de talents, ni d’intelligence. Mais il manque encore d’un projet éducatif cohérent, moderne et émancipateur. Il est temps d’écouter cette jeunesse qui ne demande qu’à apprendre pour construire. Car à l’heure du numérique, de l’intelligence artificielle et de la mondialisation, refuser de réformer l’éducation, c’est choisir l’effondrement.
GMT TV