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Aviation civile : la CEMAC épinglée pour la rétention des recettes des compagnies aériennes

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Avec 179 millions de dollars de recettes bloquées, la CEMAC devient la deuxième région au monde la plus restrictive pour les compagnies aériennes, selon l’IATA. Un signal alarmant pour la connectivité régionale, l’attractivité économique et la crédibilité financière de la zone.

La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se retrouve sous le feu des projecteurs pour de mauvaises raisons. D’après le dernier rapport de l’Association du transport aérien international (IATA), publié le 10 décembre 2025, la région totalise désormais 179 millions de dollars de recettes de compagnies aériennes retenues, soit environ 10 milliards de francs CFA. Un niveau qui place la CEMAC au deuxième rang mondial des zones les plus contraignantes, juste derrière l’Algérie, où 307 millions de dollars restent également bloqués.

Cette situation concerne l’ensemble des six États membres — Cameroun, République centrafricaine, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale et Gabon — et met directement en cause le rôle de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), chargée de la gestion des changes.

Des procédures lourdes, un système à bout de souffle

Selon l’IATA, le problème ne réside pas dans l’absence de conformité des compagnies aériennes, mais dans la complexité des procédures internes de la BEAC. Malgré la transmission complète des documents requis, les transporteurs font face à un mécanisme de validation en trois étapes, jugé lent, opaque et imprévisible. Résultat : des délais excessifs pour le rapatriement de recettes pourtant légalement acquises.

Cette rigidité administrative intervient dans un contexte de pénurie structurelle de devises au sein de la zone CEMAC. Mais pour l’IATA, cet argument ne saurait justifier une telle paralysie. Le transport aérien fonctionne quasi exclusivement en dollars américains : carburant, maintenance, leasing d’appareils, assurances, redevances internationales. Sans accès à leurs propres recettes, les compagnies voient leur viabilité opérationnelle directement menacée.

Une menace directe pour la connectivité et l’économie régionale

Au-delà des compagnies aériennes, les conséquences de ces blocages sont systémiques. En entravant le rapatriement des fonds, la CEMAC fragilise la connectivité aérienne régionale et internationale, renchérit les coûts d’exploitation et décourage l’ouverture de nouvelles lignes. À terme, ce sont les passagers, les entreprises et les économies nationales qui en paient le prix, à travers des billets plus chers, une offre réduite et une dépendance accrue à quelques opérateurs.

Pour une région enclavée, où le transport aérien constitue un levier clé de désenclavement, de commerce et d’intégration économique, cette situation apparaît comme un contresens stratégique. Elle affaiblit également l’attractivité des hubs aéroportuaires de la zone, au moment même où d’autres régions africaines cherchent à libéraliser leur ciel et à attirer les investissements.

L’IATA interpelle la BEAC

Face à cette dérive, l’IATA appelle explicitement la BEAC à simplifier ses procédures, à réduire les délais de traitement et à instaurer davantage de transparence. L’organisation rappelle qu’empêcher les compagnies d’accéder à leurs recettes revient à compromettre la survie même du secteur aérien, déjà fragilisé par la volatilité des coûts et les contraintes macroéconomiques.

Dans un monde où la mobilité est un facteur clé de compétitivité, la CEMAC fait aujourd’hui figure de contre-exemple. À défaut de réformes rapides, la zone risque de s’isoler davantage, au détriment de son intégration économique, de son tourisme et de sa croissance. La question est désormais politique et institutionnelle : la BEAC est-elle prête à adapter ses pratiques pour ne pas étouffer un secteur vital à l’avenir de l’Afrique centrale ?

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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