Angola : départ en exil nocturne de la famille Bongo, les Gabonais veulent comprendre !

Alors que la présidence angolaise a officiellement confirmé, le vendredi 16 mai 2025, l’arrivée sur son sol de l’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba et de plusieurs membres de sa famille, dont Sylvia Bongo et Noureddin Bongo Valentin, une onde de stupeur et d’incompréhension a traversé l’opinion publique nationale. Ce départ, qualifié de libération diplomatique, soulève des interrogations profondes dans un pays encore marqué par les séquelles de 14 années d’un régime que beaucoup ont assimilé à un système de prédation.
Dans les rues de Libreville, de Port-Gentil, de Lambaréné et jusqu’à Makokou, les mêmes questions reviennent : Pourquoi sont-ils partis sans avoir été jugés ? Pourquoi le président de la République, élu avec 94,85 % des voix, ne s’est-il pas exprimé clairement sur cette affaire ? Pour beaucoup, la colère se mêle à un sentiment de trahison. « On nous a expliqué que le coup d’État était une opération de salut national pour mettre fin à un régime corrompu et destructeur. Mais si c’était vrai, pourquoi les symboles de ce régime partent-ils comme des VIP, sans procès, sans vérité, sans réparation ? », s’indigne Frédéric N., enseignante.
Une commerçante du marché de Nzeng Ayong, elle, ne décolère pas : « On nous a vendus du rêve. On a marché pour le général. On a voté pour lui. Et maintenant, ceux qui ont ruiné nos vies, volé notre argent, et opprimé nos enfants partent à l’étranger avec tapis rouge ? »
Le mandat de la rupture… ou celui du pardon ?
L’un des points de friction majeurs réside dans l’interprétation du vote massif en faveur de Brice Clotaire Oligui Nguema, le 12 avril dernier. Les Gabonais lui ont-ils donné mandat pour panser les plaies de la Transition, ou pour solder les comptes du passé ? Beaucoup estiment que le contrat moral issu du coup de force du 30 août 2023 repose sur un principe fondamental : justice et réparation.
Pour Boris M., juriste à Libreville, « il ne s’agit pas de vengeance, mais de restaurer la vérité. Le Gabon ne pourra pas avancer en sacrifiant la justice sur l’autel de la diplomatie. »
L’arrivée de la famille Bongo en Angola, sans explication publique, sans déclaration de justice, et sans base juridique connue, soulève un autre débat de fond : celui de la souveraineté de la justice gabonaise. « On a l’impression que la justice ne décide plus rien. Que les décisions sont politiques, diplomatiques, voire opportunistes », soupire une magistrate contactée sous anonymat.
Une fracture morale ?
Ce silence institutionnel sur une question aussi sensible ne peut qu’aggraver la fracture morale entre le pouvoir et le peuple. À défaut de réponses, les rumeurs pullulent. Certains parlent d’un « deal » international, d’autres d’un arrangement de coulisse entre Luanda et Libreville, d’autres encore pointent les divisions internes entre les magistrats, entre le parquet général et certaines autorités civiles.
« Ce qu’il faut craindre maintenant, c’est la désillusion », affirme un analyste politique. « Quand un peuple accorde 94 % de confiance, il attend la clarté, l’exemplarité, la justice. S’il ne les trouve pas, il se détourne ou se radicalise. »
Quelle suite ?
Pour beaucoup de Gabonais, cette affaire n’est pas close. Elle appelle une mise au point rapide du président de la République, ou à tout le moins de son porte-parole. La justice doit aussi s’expliquer : des dizaines de procédures ont été ouvertes depuis le 30 août. Où en sont-elles ? Que reste-t-il des accusations portées à l’époque contre Sylvia Bongo pour blanchiment, corruption, et détournement de fonds publics, ou contre Noureddin Bongo pour association de malfaiteurs ?
À l’heure où la Cinquième République se veut un symbole de rupture, le silence autour du départ de la famille Bongo pourrait bien devenir sa première grande contradiction. Et une source de frustration durable. Car pour les Gabonais, la rupture n’a de sens que si elle rime avec vérité, justice et réparation.
GMT TV