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Afrobarometer : Marchés publics, instabilité, risques judiciaires, les obstacles imposés aux entrepreneurs

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Selon la Dépêche n°1079 d’Afrobarometer, plus d’un jeune gabonais sur deux souhaite créer son entreprise. Un enthousiasme inédit, symbole d’une génération déterminée à prendre son destin économique en main. Mais derrière cet élan massif, une réalité brutale demeure : l’écosystème entrepreneurial gabonais reste profondément hostile, verrouillé par les pratiques administratives, les risques judiciaires et un marché public inaccessible. 

Une jeunesse prête à entreprendre, mais un système qui freine l’initiative. La dernière enquête Afrobarometer révèle un chiffre impressionnant : 51 % des jeunes Gabonais déclarent vouloir créer leur entreprise. Jamais auparavant l’envie d’entreprendre n’avait été aussi forte dans un pays où le secteur public reste le premier employeur. Cette montée de l’ambition entrepreneuriale traduit un mouvement profond : celui d’une génération qui ne croit plus aux promesses politiques, qui ne s’en remet plus à l’État et qui cherche dans l’entreprise un espace d’émancipation.

Mais ce désir se heurte immédiatement aux réalités du terrain. Entre démarches administratives kafkaïennes, absence d’accès aux financements et instabilité réglementaire, l’État gabonais apparaît moins comme un facilitateur que comme un obstacle structurel.

L’accès impossible au marché public : le verrouillage des opportunités

Pour se développer, une jeune entreprise doit accéder au marché public. Or, c’est là que le système se referme. Les appels d’offres sont souvent calibrés pour les grands groupes, les multinationales ou des prestataires déjà ancrés dans les réseaux politiques. Les jeunes entrepreneurs, eux, sont condamnés au rôle de spectateurs.

Les témoignages se ressemblent : dossiers rejetés sans explication ; critères financiers disproportionnés ; favoritisme évident ; absence totale de transparence. Même lorsqu’une PME parvient à décrocher un contrat, la victoire est fragile : un changement de DG, de ministre ou de directeur suffit à annuler le marché, parfois sans notification officielle.

Instabilité administrative et annulations arbitraires : le cercle vicieux

Au Gabon, la continuité de l’État reste théorique. Très souvent, un jeune entrepreneur signe un marché, engage des dépenses, mobilise des équipes… puis tout s’arrête. Pas de courrier, pas de décision motivée : juste un nouveau responsable qui impose ses prestataires. Conséquence : des dettes insoutenables, des entreprises étranglées dès leurs premiers mois, des jeunes découragés ou ruinés.

Cette instabilité institutionnelle est l’un des principaux tueurs silencieux de l’entrepreneuriat gabonais.  « Crée ton entreprise, mais prépare-toi aux ennuis ». C’est le message implicite que renvoie aujourd’hui l’appareil administratif.Un simple changement politique peut transformer un contrat légal en “enrichissement sans cause”. Un directeur mécontent peut déclencher un contrôle fiscal ou une plainte. L’entrepreneur est vulnérable, seul face à un système qui ne protège pas mais sanctionne.

Une génération ambitieuse face à un État qui ne suit pas

Les chiffres Afrobarometer dessinent une jeunesse ambitieuse, inventive, prête à prendre des risques. Mais cette même jeunesse évolue dans un environnement où : les institutions manquent de stabilité ; les administrations manquent de transparence ; les entreprises locales ne sont pas protégées ; les marchés ne sont pas accessibles ; les paiements publics arrivent en retard ou pas du tout.

Tant que l’État ne placera pas la protection des entrepreneurs au cœur de sa réforme économique, ces 51 % de jeunes motivés resteront un potentiel gâché. Pis : ils rejoindront l’exode, l’informel ou la résignation. L’entrepreneuriat gabonais n’a pas besoin de slogans. Il a besoin de règles. Il a besoin de continuité. Il a besoin d’un État de droit.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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