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Affaire Sylvia et Noureddin Bongo : Jean Valentin Leyama interpelle sur le risque d’un éternel recommencement

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Alors que s’est ouverte, ce lundi 10 novembre 2025, la session criminelle spéciale consacrée notamment au procès de l’ancienne Première dame Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Noureddin Bongo Valentin, la classe politique s’interroge sur la portée réelle de ce tournant judiciaire. Jean Valentin Leyama, député de la Transition et candidat malheureux aux législatives à Moanda, a livré une réflexion cinglante : « Une chose est de condamner la gestion et l’enrichissement insolent d’Ali Bongo, de son épouse et de son fils, mais quelles mesures a-t-on prévu pour qu’aucun autre chef d’État et sa famille ne fassent main basse sur les finances publiques du pays ? »

L’ouverture de la session criminelle spéciale au Palais de Justice de Libreville marque un moment historique pour la justice gabonaise. Jamais auparavant l’appareil judiciaire n’avait été amené à juger, en audience publique, une ancienne Première dame et un fils d’ancien président pour des faits présumés de détournement massif de fonds publics, de blanchiment et de complicité d’abus de biens sociaux.

Mais derrière le symbole, certains observateurs redoutent une justice à deux vitesses, oscillant entre catharsis nationale et instrumentalisation politique. Et c’est précisément cette inquiétude que Jean Valentin Leyama met en exergue, à travers une interpellation lucide : le véritable enjeu n’est pas seulement de juger hier, mais de prévenir demain.

Une justice exemplaire ou une justice d’exception ?

Le député de la Transition, connu pour son franc-parler, replace le procès dans une perspective plus large : celle de la refondation morale promise par le régime issu du 30 août 2023. « Juger Ali Bongo et les siens est une chose, mais si le système qui permet ce type de dérive demeure, ce procès n’aura servi qu’à assouvir une vengeance politique », confie-t-il à Gabon Media Time. « Les déclarations de patrimoines des personnalités publiques doivent être publiées au Journal officiel et faire l’objet d’une actualisation annuelle. Par ailleurs, comme l’est la liste royale dans les monarchies, les avantages accordés au président de la République – émoluments, frais de fonctionnement, intendance, fonds de souveraineté, etc. – doivent être inscrits tous les ans dans la loi de finances, de manière distincte et détaillée », a-t-il poursuivi. 

En d’autres termes, si le procès de Sylvia et Noureddin Bongo se veut le symbole d’une rupture, il doit s’accompagner de mécanismes institutionnels solides : lois anticorruption renforcées, déclaration de patrimoine obligatoire, audit annuel de la Présidence et sanctions automatiques pour enrichissement illicite. Sans ces garde-fous, estiment des Gabonaises et des Gabonais dans leur majorité, « la morale du 30 août pourrait vite se dissoudre dans les mêmes pratiques qu’elle prétendait abolir ».

L’exigence de cohérence après la Transition

L’intervention du parlementaire résonne comme un avertissement adressé aux institutions post-transition. Car si la justice est en passe de solder les comptes du passé, la société attend surtout que soit mis en place un cadre juridique garantissant la transparence dans la gestion de l’État. « Le peuple gabonais ne veut plus de procès spectaculaires, il veut des institutions qui rendent les abus impossibles », martèle sous anonymat un juriste qui suit avec attention le déroulement de ce procès.

Pour beaucoup, la session criminelle spéciale ne doit pas se limiter à l’affaire Bongo, mais marquer un nouveau contrat moral entre gouvernants et citoyens. Autrement dit, si l’ancien système est jugé, c’est pour qu’il ne renaisse pas sous de nouveaux visages.

L’éternel cycle du pouvoir et de l’impunité

La sortie de Jean Valentin Leyama met en lumière une contradiction qui traverse la Transition depuis deux ans : la promesse de rupture s’accompagne d’une centralisation du pouvoir et d’une absence de réformes structurelles sur la responsabilité financière du chef de l’État et de son entourage immédiat. 

En l’absence d’un cadre constitutionnel clair limitant les prérogatives financières de la Présidence, le risque d’un recyclage de l’impunité demeure. Le véritable héritage du 30 août 2023 ne sera pas la chute d’un clan, mais la mise en place d’un système qui empêche tout clan de renaître. 

Un procès à la croisée des chemins

Alors que la session criminelle spéciale s’annonce comme un moment décisif pour la justice gabonaise, les propos du député de la Transition résonnent comme un rappel à la vigilance : la justice ne peut pas être un spectacle, elle doit être une réforme vivante.

Si le pays veut véritablement tourner la page de la « Françafrique domestique » et du pouvoir patrimonial, il devra aller au-delà du procès de Sylvia et Noureddin. Car comme le souligne Jean Valentin Leyama, « juger sans transformer les institutions, c’est rejouer le même scénario avec de nouveaux acteurs ».

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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