Affaire Kelly Ondo et Cie: quand la justice gabonaise crée la présomption de culpabilité
Alors que tout le Gabon avait les yeux rivés vers le palais de justice de Libreville où se tenait l’audience devant la Cour spéciale militaire (CMS) le lundi 21 juin 2021 du Lieutenant Kelly Ondo Obiang et ses acolytes, le dénouement a laissé un goût amer. Et pour cause, l’assistance composée de journalistes et des membres de la famille a été le témoin d’une « parodie de justice » où la défense a été arbitrairement privée de paroles.
C’est dans un décor inédit avec des écrans téléviseurs géants que s’est poursuivie l’audience de l’affaire Ministère public contre Kelly Ondo Obiang et cie. Loin de ces allusions faites, ces écrans y ont été postés pour diffuser en boucle le message prononcé par les présumés putschistes le matin du 7 janvier 2019 à la maison Georges Rawiri. Tout semble alors être réglé pour assister au procès le plus attendu dans des conditions idoines.
Seulement, le démarrage pose les jalons d’une énième parodie de justice orchestrée par des restrictions tous azimuts qui mettent en exergue l’excès de zèle des juges. En effet, le Président de la Cour de céans rappelle aux avocats qu’aucune prise de parole ne sera autorisée sans son accord. Premier couac, Me Jean Paul Moubembe, avocat de la défense lèvera la main en vain puisque le président va l’ignorer.
Les 9 accusés sont-ils déjà condamnés ?
C’est l’impression donnée tant leur droit de se faire représenter est allègrement foulé au pied. Et ce, d’autant plus que le président de la Cour n’a pas hésité à exiger au lieutenant Kelly Ondo Obiang de relater les faits du 7 janvier 2019. En réaction, le présumé chef du commando de putschistes décline. « Monsieur le Président , je donne la parole à mon avocat », a-t-il déclaré. Toutefois, il sera sommé de s’exécuter. Sapristi !
Amaigri mais digne, le Lieutenant Kelly Ondo Obiang surprend l’assistance en révélant une version des faits opposée à celle répandue dans l’opinion. Mis sous pression, le jeune officier se présente comme le leader d’une bande de patriotes commis par l’intérêt supérieur de défendre la patrie telle que prôné par les paroles de notre hymne national. Une conviction partagée par les autres prévenus dont Dimitri Nze et Estimé Bidima excepté Ango Ralem qui aurait joué le rôle de l’infiltré.
Vers le retour à un procès équitable ?
Malmenés par le président de la Cour spéciale militaire, Mes Anges Kevin Nzigou, François Meye et Jean Paul Moubembe n’auront le sentiment d’être considérés qu’aux alentours de 10h45. Heure de l’arrivée inopinée du Bâtonnier Me Lubin Ntoutoume. D’ailleurs, ce n’est qu’à partir de cet instant que la défense sera autorisée à prendre la parole.
Mes Anges Kevin Nzigou et Jean Paul Moubembe vont tour à tour faire remarquer au président son impartialité manifeste caractérisée par le refus catégorique de leur donner la parole. Au mépris des règles en la matière. Ils en profitent pour soulever des exceptions d’inconstitutionnalité sur l’article 451 du code de procédure pénale.
Pour Me Moubembe, la disposition selon laquelle « le pourvoi en cassation n’est pas suspensif » est une atteinte flagrante au préambule de la Constitution gabonaise. Précisant au passage que la question de la compétence d’une juridiction « est d’ordre public, elle garantit les droits de la défense. Donc l’article précité est anticonstitutionnel », a-t-il indiqué.
Dans le même élan, Mes Meye François et Anges Nzigou vont soulever l’exception d’inconstitutionnalité de la loi N°7/73 du 20 décembre 1973, portant code de justice militaire. Mettant en exergue que l’un des coaccusés est un civil en la personne de Sieur Ballack Obame. Toute chose qui a conduit les deux avocats à solliciter à la Cour de surseoir à statuer afin de transmettre le dossier au juge constitutionnel.