Affaire eTech SAS : Nous saluons la régulation, mais exigeons la transparence

Le 12 août 2025, le Conseil des ministres a annoncé la mise en place d’un intégrateur-agrégateur national pour les jeux de hasard en ligne, confié à eTech SAS dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé avec un partenaire canadien. L’objectif affiché : garantir la traçabilité des flux, protéger les parieurs, renforcer la fiscalité et encadrer un secteur encore trop opaque.
Sur le principe, cette volonté de réguler le marché est une décision que nous devons saluer. Un cadre clair, appliqué avec rigueur, est indispensable pour la protection des consommateurs, la transparence des flux financiers et la conformité aux réglementations CEMAC.
Cependant, force est de constater que cette annonce ressemble fortement à une répétition de l’argumentaire déjà présenté le 23 avril 2025, lors de la première désignation d’eTech SAS. Et certaines interrogations majeures restent sans réponse.
Un partenaire canadien toujours invisible
Officiellement présentée comme un Partenariat Public-Privé (PPP) entre l’État gabonais et Esteem Media Inc., une société canadienne fondée en 2007, eTech SAS soulève des interrogations légitimes : comment entend-elle remplir une mission aussi stratégique alors qu’Esteem Media Inc. n’a jamais eu d’antécédent opérationnel dans le domaine des jeux et paris en ligne ?
Les informations publiques disponibles montrent qu’Esteem Media Inc. est une petite structure canadienne dont le seul employé identifié, M. Christian Medy, est par ailleurs l’actuel Directeur Général d’eTech SAS. Aucune trace d’expertise préalable dans la régulation ou l’agrégation des flux liés aux jeux en ligne n’apparaît dans son historique. Cette absence d’expérience soulève une interrogation majeure : pourquoi l’État a-t-il confié un secteur aussi stratégique à une entité dont les capacités techniques et la crédibilité dans le domaine restent non démontrées ?
Quelles garanties techniques pour le secteur ?
Les opérateurs et prestataires déjà actifs au Gabon disposent souvent de certifications internationales reconnues, telles que PCI DSS (norme mondiale de sécurité des paiements) ou ISO 27001 (sécurité des systèmes d’information).
En l’absence d’éléments publics confirmant un niveau technique équivalent chez Esteem Media Inc., il est légitime de se demander si cette centralisation ne risque pas de créer un point unique de fragilité dans la chaîne de sécurité et de performance du secteur.
Une absence persistante de dialogue
Depuis avril 2025, aucune consultation formelle des fintech déjà en activité dans le secteur n’a été menée par eTech SAS ou le ministère concerné. Aucune entité, au sein de notre collectif d’agrégateurs et de fintechs, n’a été associée aux discussions. Pourtant, un Partenariat Public-Privé devrait s’appuyer sur l’expertise des acteurs présents, plutôt que les contourner.
Le paradoxe est d’autant plus frappant que plusieurs acteurs locaux et internationaux, déjà implantés au Gabon, disposent de certifications internationales reconnues. Ces standards attestent d’un haut niveau de sécurité et de conformité dans le traitement des données et des flux financiers.
Un signal politique fort mais ambigu
En réaffirmant cette décision au plus haut niveau de l’État, le Gouvernement envoie un message clair : la stratégie choisie ne changera pas, malgré les inquiétudes exprimées par les opérateurs et les associations professionnelles. Ce verrouillage institutionnel pourrait compliquer toute remise en question future.
Aussi, en choisissant un partenaire étranger dont l’expérience dans ce secteur n’est pas prouvée, et en négligeant les acteurs déjà présents et certifiés, l’État envoie un signal ambigu à l’écosystème numérique national. Alors que le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, affiche l’ambition de bâtir un écosystème fort et compétitif, la méthode employée pour la régulation des jeux en ligne risque de produire l’effet inverse : un climat de méfiance, d’opacité et de blocage.
Réguler oui, mais pas au détriment de la concurrence saine et de la compétence technique.
Si cette réforme doit réellement garantir transparence et sécurité, elle gagnera en légitimité en levant les zones d’ombre, en nommant clairement les partenaires impliqués, et en intégrant les acteurs déjà qualifiés dans la mise en œuvre.
Notre souhait le plus cher est que l’écosystème fort voulu par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, se construise dans la confiance, et non pas dans l’opacité.
Gwenael Nze de Souza, Country Manager – pawaPay Gabon
GMT TV