Le visage crispé, les yeux larmoyants, débout devant un pupitre à côté du Docteur Sylvie Nzoghe-Mbot, une des victimes des violences post-électorale raconte son calvaire : « J’ai été attrapée chez moi autour de 23 heures alors que j’étais sortie me soulager. Trois hommes cagoulés, après m’avoir donné un coup de matraque à la nuque m’ont braqué l’arme sur la tempe. Ils ont aussi arrêté ma voisine qui est Téké. Ils ont voulu savoir de quelle ethnie j’étais. Je leur ai dit Myenè. Ils ont automatiquement conclu que j’étais de la famille de Jean Ping. J’ai riposté en leur signifiant que je n’étais pas de sa famille et je ne suis pas une manifestante.
Malgré cela, ils m’ont conduite dans un véhicule où il y avait déjà plus d’une personne arrêtée. Avant cela, ils m’ont tabassée. Comme mes parents étaient dans la maison, ils n’ont rien entendu. Arrivés au quartier général du président Ping, ils m’ont à nouveau donné des coups de matraque. Ils m’ont ensuite demandé de casser le véhicule de couleur bleue. Ils m’ont donné une brique de ciment pour le faire.
Malheureusement, la vitre n’a pas pu se briser. Après m’avoir violentée à nouveau ils m’ont donné une barre de fer et m’ont demandé de recommencer. C’est après avoir essayé avec la barre de fer que le pare-brise a éclaté, sous leurs applaudissements. Ils ont dit que j’étais une bonne citoyenne. Après l’épreuve du fer, ils m’ont donné de l’essence et m’ont intimé l’ordre de l’asperger sur le véhicule. J’ai résisté. Ils ont immédiatement recommencé à me tabasser en me disant que si je ne m’exécutais pas, ils allaient me tuer. J’ai donc mis l’essence autour du véhicule. Ils m’ont ensuite tendu une boite d’allumettes pour faire exploser la voiture, mais j’ai catégoriquement refusé. C’est alors qu’ils ont pris la décision d’en découdre avec moi une bonne fois pour toute. Ils m’ont aspergé du même combustible et après ils m’ont tendu une boite d’allumette. J’ai mis le feu, aussitôt, j’ai été projetée par la détonation du véhicule. Sous leurs applaudissements, ils admiraient ma bravoure.
Etant un peu loin d’eux, car j’ai été propulsée, c’est alors qu’un des agents s’est détaché et est venu me demander de courir sans plus jamais me retourner si jamais je tenais à ma vie. J’ai donc puisé tout ce qui me restait comme force pour partir de là. Apres quelques efforts, je suis allée tomber sous les pieds d’un autre agent qui n’était pas avec eux. C’est lui qui a permis que j’informe mes parents. A l’arrivée de ces derniers, nous avons fait le tour des hôpitaux qui ont systématiquement refusé de nous recevoir.
Nous nous sommes rendus au Centre hospitalier universitaire de Libreville, où j’ai été abandonnée dans un couloir. Ce n’est qu’à l’arrivée du médecin que j’ai pu recevoir une injection pour calmer ma douleur. Après cela, le médecin a demandé à ce que je sois évacuée à l’hôpital militaire. Là-bas, c’était une fin de non-recevoir. Il a fallu passer par des subterfuges pour que je sois admise dans cette structure. J’ai passé un mois en réanimation, aujourd’hui, je suis brûlée du thorax à la tête. Mais membres supérieurs ne fonctionnent pas bien et je cicatrise très mal. Il me faut une évacuation en toute urgence. »