Violences policières et militaires : l’équation insoluble du CTRI ?
Restaurer les liens de confiance entre la police et les militaires d’une part, et la population d’autre part. C’était l’une des promesses faites par les Forces de défense et de sécurité réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) au lendemain de leur prise du pouvoir. Si les gabonais saluent à juste titre certaines mesures fortes prises en matière d’emploi, de social, et au plan économique, la sempiternelle question des violences policières continue en revanche de donner du fil à retordre à la hiérarchie militaire désormais aux affaires. Une situation embarrassante, qui interroge sur la capacité des autorités à rassurer les gabonais.
Le drame récent du second maître de la Marine nationale, Johan Bounda survenu à la suite d’un séjour dans les locaux de la Direction Générale des Contre-Ingérences et de la Sécurité Militaire (DGCISM), a remis sur la table la question du respect des droits et libertés des citoyens par les dépositaires de la force publique. Si pour ce cas, les autorités se veulent rassurantes quant aux suites de l’enquête confiée à la DGR et à la DGSS, l’enjeu va bien au-delà puisqu’il s’agit en réalité de pointer ce qui s’apparente à une violation systémique des droits des gabonais, et ce dans une forme d’impunité totale.
Plusieurs violations banalisées par la hiérarchie ?
Le 11 décembre 2023, des syndicalistes de la SEEG étaient convoqués par le renseignement militaire à la suite de mouvements d’humeur sur fond de non paiement de primes. Quelques jours plus tard, ils apparaissaient devant des écrans de télévision les crânes rasés, lisant un discours d’excuses. Si ce fait avait été perçu par une partie de l’opinion comme le signe d’un début de restauration des valeurs et du respect dû à l’autorité, la répétition de ces faits finit par susciter des interrogations quant à la volonté réelle du CTRI de garantir les droits fondamentaux des populations.
En effet, dans la continuité de ces dérives, une horde de jeunes délinquants qui ont récemment semé la terreur dans plusieurs quartiers de Port-Gentil, ont été affichés devant les écrans de télévision, les crânes mal rasés. Cet acte s’est répété en septembre dernier à Omboué sur cette fois un mineur de 15 ans, qui avait été affiché devant les écrans de télévision, en violation flagrante de toutes les Conventions internationales relatives à la protection des mineurs, pour « outrage au Chef de l’État ». Il en est de même pour ces personnes qui ont très récemment été rasées de manière humiliante, pour avoir violé le couvre-feu. Pour ce cas précis, des blessures étaient observées sur certains crânes et des témoignages faisaient état de l’usage d’une même lame. Une situation qui, en plus de violer les droits fondamentaux de ces compatriotes, les a exposés aux risques de contamination à des maladies.
Si au regard de la multiplication de ces dérives, le procureur de la République a fait une sortie le 25 décembre en annonçant l’ouverture d’une enquête dans le cas précis des personnes rasées pour violation du couvre-feu, il n’est pas certain que cette annonce suffise à rassurer l’opinion, au regard de nombreuses enquêtes restées lettres mortes. Ainsi, si après le saccage du commissariat de police de Nzeng-Ayong par des éléments de la Garde républicaine, des assurances avaient été données à des journalistes lors d’une Conférence de presse par le ministre de l’Intérieur, quant au fait qu’une enquête était ouverte, plus personne n’en parle plusieurs mois après. De quoi alimenter le sentiment d’impunité et ainsi donner raison à la citation de La Fontaine qui écrivait « Selon que vous serrez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
Rappelons que la Charte de la Transition, reconnaît en son article 10 la sacralité de la personne humaine, le respect de l’intégrité physique et morale. Quant à l’article suivant, il dispose que « Nul ne peut faire l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, dégradants ou inhumains ». Des principes d’ailleurs réaffirmés dans la Constitution nouvellement promulguée. A l’heure de la restauration des institutions, le Comité pour la transition et la restauration des institutions se trouve plus que jamais à la croisée des chemins. Si l’amélioration du classement RSF du Gabon a été perçu comme un signal fort quant à la volonté des militaires de préserver la liberté de la presse, en matière de respect des droits et libertés individuels, le chemin reste périlleux.