Tita Nzebi accompagnée de François N’Gwa, Jann Halexander, JeaRian et Chyc Polhit seront en concert au Café de la Danse à Paris le 21 janvier prochain. A travers ce rendez-vous culturel, ces artistes entendent rappeler « la forfaiture de Monsieur Ali Bongo, le massacre des Gabonais que l’on tente de nous faire oublier », parler de la crise multiforme qui secoue le Gabon. Nous avons rencontré Tita Nzébi qui nous en dit un peu plus ce concert.
Pourquoi une aurore se lève comme concept du concert du 21 janvier prochain ?
Une aurore se lève c’est une phrase de notre hymne national, la Concorde. Initialement j’avais pensé intituler ce concert dictature inavouée comme le titre de ma chanson enregistrée après les évènements malheureux que notre pays a récemment connu. Une aurore se lève a été proposé par le gérant du label Bibaka après lecture de la Concorde. Il n’est pas Gabonais, n’a jamais prêté attention à ce texte auparavant mais en le lisant, il a estimé que cette phrase correspondait mieux à ce concert.
Au-delà de la dénonciation de la dictature gabonaise il nous faut penser au Gabon que nous souhaitons léguer aux générations futures et il me semble que cette question préoccupe toutes les personnes qui se lèvent aujourd’hui pour le Gabon. C’est une très bonne chose que les opposants actuels au système Bongo-PDG soient ceux qui ont contribué à le mettre en place au mépris des intérêts du Gabon et des Gabonais. J’ose croire qu’ils sont sincères dans leur nouvelle démarche car après avoir mis un terme à ce système, leur système, il serait bien qu’ils nous expliquent comment ils ont fait pour créer une telle monstruosité. Nous pourrons ainsi dire, tous ensemble, « plus jamais ça » en toute connaissance de cause, afin que cette aurore vue par Georges Damas Aleka se lève enfin. Afin que nous laissions aux générations futures un Gabon digne d’envie. Nous le pouvons, nous le devons.
A plusieurs égards une aurore se lève nous a paru plus lumineux que dictature inavouée. Nous avons donc choisi cet intitulé avec bonheur.
Quel est la dimension culturelle de ce concert sur le plan international ?
Pour parler du Gabon en musique nous avons tenu à ce que ça se fasse dans une salle de concert ayant une certaine renommée auprès des férus de musique live et des professionnels de la musique. Nous avons voulu que cette aventure commence à Paris. Plusieurs d’entre nous y vivent certes, mais sur un plan culturel Paris n’est pas n’importe quelle ville. Tous les artistes ont voulu que ce concert soit 100% live. Il n’y aura aucun play back et chacun de nous aura du temps pour offrir un échantillon intéressant de son répertoire au public qui fera le déplacement. Chyc Polhit qui est un conteur très talentueux trouvera certainement les mots et le ton justes pour parler de la situation du Gabon à ceux qui feront le déplacement du 21 janvier et qui n’en savent peut-être rien.
Il est très rare de voir des artistes Gabonais sur ce type de scène ici. Ce sera donc l’occasion pour tous ceux qui ne les connaissent pas ou peu, de découvrir des talents bien de chez nous dans de très bonnes conditions. Avant que la soif du pouvoir de Monsieur Ali Bongo n’expose négativement notre pays, le Gabon était surtout connu pour les richesses de son sol et de son sous-sol mais peu ou mal à travers sa culture qui est pourtant si riche. Ce concert sera l’occasion pour les uns et les autres de découvrir un infime échantillon de la riche culture Gabonaise.
Souvent le public, les médias, les professionnels de la musique vont dans ce type de salle avec un a priori positif du fait de la réputation du lieu. Je pense qu’un public cosmopolite viendra nous voir dans ce beau Café de la danse situé à quelques pas de la place de la Bastille. J’espère que les Gabonais seront aussi nombreux à faire de déplacement, nous serons ainsi nombreux à parler de notre pays aux autres.
La dénonciation de la forfaiture de Monsieur Ali Bongo, le massacre des Gabonais que l’on tente de nous faire oublier ont été les déclencheurs de ce concert ; le 21 janvier nous en parlerons mais avec nos armes d’artistes. Ce ne sera ni un meeting ni une conférence mais bien un concert, un moment artistique.
Pourquoi avoir choisi de faire ce concert en France et pas au Gabon ?
D’abord parce que la plupart des artistes programmés vivent en France, la structure administrative est française. Organiser un concert nécessite des coûts et une logistique très importante même en étant sur place. Aller le faire au Gabon aurait eu des coûts encore plus importants. D’autre part, je ne pense pas que les gens qui ont pris le Gabon en otage, qui considère que ce pays est leur propriété privée dans laquelle ils ont droit de vie ou de mort sur n’importe qui, auraient accepté que ce concert se fasse dans leur royaume et c’est de bonne guerre (lol comme disent les jeunes.)
J’aurai du plaisir à organiser des concerts au Gabon lorsque ce pays ne sera plus la propriété de qui que ce soit mais le Gabon de tous les Gabonais, lorsque la loi nous protègera et nous condamnera tous pour les mêmes raisons et dans les mêmes formes, lorsqu’il y aura une réelle politique culturelle avec des mesures incitatives et une réelle protection des acteurs culturels et leurs droits. Quand je fais un concert en France je crée de l’emploi, je génère des salaires, des droits d’auteur et autres droits voisins, je paie les impôts. En contrepartie mon activité est protégée ainsi que mes droits. La possibilité pour moi de faire un concert au Gabon est vraiment loin d’être à l’ordre du jour pour le moment surtout depuis les derniers évènements.
Nous avons énormément de richesses dans plusieurs domaines au Gabon mais nous n’avons pas d’Etat. Construisons un Etat digne de ce nom, des institutions impartiales et ça nous fera le plus grand bien à mon avis.
Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer dans votre journal et à travers moi mes talentueux compagnons du Café de la danse : François N’Gwa, Jann Halexander, JeaRian, Chyc Polhit et tous les musiciens qui nous accompagnerons le 21 janvier.
© Crédit photo : Osi