Transport maritime : le Gabon, nouveau pivot de la « flotte fantôme » russe
Depuis décembre 2023, le Gabon s’est retrouvé sous les projecteurs pour son rôle dans l’immatriculation de la « flotte fantôme » russe, une flotte de pétroliers échappant aux sanctions internationales imposées à Moscou. En effet, de nombreux navires, dont le tanker Sappho, battent aujourd’hui pavillon gabonais alors qu’ils exportent du pétrole russe vers des pays comme la Chine et l’Inde. Selon Radio France Internationale (RFI), au moins 40 des 95 pétroliers récemment immatriculés au Gabon ont visité des ports russes, une manœuvre permettant à la Russie de contourner les sanctions imposées sur ses exportations de brut.
Pour échapper aux restrictions occidentales, Moscou mise sur des pavillons de complaisance, comme celui du Gabon, permettant à ses navires d’éviter le plafonnement des prix du pétrole à 60 dollars le baril, imposé par le G7 et l’Union européenne. L’objectif est de vendre le pétrole russe à un prix supérieur pour maximiser les revenus de l’État, malgré l’embargo. Avec le soutien de pavillons étrangers, ces navires opèrent en dehors de toute juridiction occidentale et sans assurance régulée, ce qui les classe dans la « flotte de l’ombre » utilisée par d’autres pays sanctionnés comme l’Iran et le Venezuela.
L’implication du Gabon et des pressions internationales
Depuis la pression exercée par les États-Unis sur le Liberia pour qu’il retire son pavillon de plusieurs navires de la « flotte fantôme » russe, le Gabon est devenu une alternative pour l’immatriculation de ces pétroliers. Face à cet afflux, Libreville semble chercher à maintenir un certain contrôle pour éviter les critiques internationales. Le ministère gabonais des Transports a ainsi radié 28 navires pour « activité non conforme », selon les informations de Radio France Internationale. Cependant, plusieurs de ces navires ont rapidement été réimmatriculés sous pavillon russe, témoignant de l’importance de ces navires pour Moscou dans sa stratégie d’évitement des sanctions.
Cette situation attire l’attention de la communauté internationale, notamment de la France, qui a entrepris des démarches diplomatiques pour sensibiliser le Gabon aux risques associés à la gestion de son registre maritime. Selon une source diplomatique française citée par RFI, ces démarches visent à rappeler Libreville à ses responsabilités en matière de respect des normes internationales, alors que l’utilisation du pavillon gabonais pour des activités de contournement des sanctions pourrait affecter l’image du pays sur la scène mondiale.
Flexibilité et les contrôles limités
La gestion du pavillon gabonais, sous le contrôle de la société émiratie Intershipping Services depuis 2018, permet aux armateurs une certaine flexibilité, notamment sur les questions de sécurité et d’assurance, explique Craig Kennedy, chercheur à l’université de Harvard. La faible fréquence des inspections des navires battant pavillon gabonais, relevée par le Paris Memorandum of Understanding (Paris MoU), un mémorandum réunissant 28 pays, laisse aussi à la Russie des marges de manœuvre.
Alors que le Gabon se trouve sous la pression de maintenir des pratiques de gestion transparentes, le recours à ses pavillons pour les pétroliers russes soulève des questions. En dépit des tentatives occidentales pour restreindre la flotte fantôme, le recours à d’autres pays complaisants montre que Moscou continuera de trouver des moyens pour contourner les sanctions.