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Réponse de Lee white au rapport de Mighty Earth et Brainforest sur Olam

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Faisant suite au rapport critique publié conjointement par l’ONG Mighty Earth et Brainforest qui indexe la multinationale agro-industrielles Olam, l’accusant d’être responsable de destruction de forêts au Gabon et en Indonésie et de gérer ses opérations de manière opaque, le Directeur exécutif de l’Agence des Parcs Nationaux du Gabon, le professeur Lee White, prend fait et cause pour Olam, en apportant des éclaircissements concernant cette polémique. Nous publions in extenso le contenu de son plaidoyer.

Je pense qu’il est nécessaire de fournir une réponse complète à l’organisation à but non lucratif américaine Mighty qui a, le 12 décembre, fait paraître un rapport très critique intitulé: « La boîte noire du commerce de l’huile de palme : Ou comment l’émergence du géant de l’agrobusiness Olam parmi les acteurs majeurs du commerce de l’huile de palme menace l’avenir des forêts d’Asie du Sud-Est et du Gabon ».

Si le contenu concerne spécifiquement le Gabon et comprend des faits soigneusement sélectionnés, l’ensemble du rapport manque de contexte et d’impartialité; ceci, ainsi qu’un certain nombre d’expressions de dénigrement se référant au Gabon ou à nos partenaires constituent une critique particulièrement fallacieuse et injuste du développement de l’agriculture durable au Gabon.

Le ton de ce rapport partial insinue que le Gabon est en train de détruire intentionnellement ses forêts. Mighty méconnaît la situation exceptionnelle du Gabon –une nation qui a la couverture forestière par habitant la plus importante (avec une forêt couvrant 88 % du pays) et l’un des taux de déforestation les plus bas de la planète.

Plutôt que de convertir de façon responsable certaines zones de forêt dégradées pour encourager une économie agricole, Mighty pense que le Gabon devrait s’appuyer sur l’écotourisme et la finance carbone afin de remplacer la dépendance au pétrole.

Si la finance et les donateurs internationaux sont importants, et si l’écotourisme est certainement une opportunité économique qui doit être privilégiée, le gouvernement doit offrir une base économique plus large à ses habitants. Dans son Plan National de Développement Stratégique, dont le but est de permettre au pays de se transformer en une économie émergente, l’agriculture est un pilier essentiel.

Ignorant ces réalités, l’ONG semble suggérer que la nation gabonaise n’a pas le droit de couper un seul arbre dans le but de se développer et de nourrir sa population, même si elle continue de privilégier une agriculture résiliente et sensible aux enjeux climatiques.

Raisons du développement des plantations de palmiers à huile

Le Gabon importe près de 60 % de ses besoins en nourriture, ce qui pèse sur son économie. Si l’agroforesterie a contribué à l’économie, l’agriculture à petite et grande échelle est essentielle, non juste pour des raisons de sécurité alimentaire mais aussi pour inverser un mouvement d’exode rurale, dû à un manque d’opportunités et de travail pour la population dans les campagnes.

L’agriculture ne peut cependant être stimulée sans efforts d’investissement. Un aspect majeur du Plan National de Développement Stratégique est le joint-venture avec Olam, afin de développer à la fois la culture marchande (exportations) et les cultures vivrières.

Le choix des plantations de palmiers à huile a été une décision stratégique pour le gouvernement. Les plantations extensives de palmiers à huile ont à un moment fait partie de l’histoire du Gabon –dans des zones maintenant occupées par la forêt tropicale ; les données archéologiques montrent que la culture extensive de palmiers à huile était courante entre 2300 et 1400 BP avant que les forêts ne repoussent suite à un effondrement de la population.

La culture de palmiers à huile est aussi celle qui offre le plus haut rendement et nécessite le moins de main d’œuvre, ce qui est idéal pour un pays comme le Gabon dont la densité de population est très faible. C’est aussi une culture locale qui offre le meilleur résultat économique et social pour une empreinte environnementale la plus réduite possible. Grâce à son engagement en faveur du développement durable, le Gabon est le seul pays au monde sur le point d’atteindre une production d’huile de palme RSPO 100 % certifiée, traçable et ségrégée .

Une partie de l’huile de palme sera exportée au travers du joint-venture avec Olam dans le cadre des échanges du Gabon, mais la consommation domestique sera très importante. D’autre part, les quelques 6.000 ouvriers gabonais qui travaillent dans les plantations et apprennent l’agriculture durable, aident à stimuler la production alimentaire locale.

Olam contribue également à la production alimentaire grâce au contrat social qu’elle a conclu avec les villages et aussi au travers du projet GRAINE. Ce programme pour les petits exploitants est un projet de développement unique mis en œuvre par le Gabon pour encourager le transfert de compétences aux cultures vivrières, en fournissant des financements, des formations, un régime foncier sûr et l’autodétermination à de nombreux Gabonais qui auraient autrement peu de voies possibles pour sortir de la pauvreté. Si l’écotourisme est certainement une option pour la création d’emplois ruraux (et est déjà avancé), il ne peut rapidement absorber un large nombre de personnes, les emplois étant basés sur la demande des touristes et liés à un développement couteux de l’infrastructure. Cette demande, qui est à créer, amène ses propres défis environnementaux. Aujourd’hui, GRAINE a près de 16.000 membres de coopératives.

Comprendre l’approche du Gabon envers ses forêts

«Tandis que tous les pays développés ont perdu la majorité de leurs forêts au cours de leur essor économique, le Gabon s’engage à établir un nouveau modèle de développement durable qui préservera les forêts. »

Pour ceux qui ne connaissent pas le Gabon, les forêts couvrent 88 % du territoire, les zones restantes étant constituées de prairies peu fertiles, de marais ou de villes. Une grande partie de ces forêts sont denses et abritent une vie sauvage dont le pays est fier.

Le Gabon comprend aussi parfaitement le rôle que jouent ses forêts dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Au cours des 15 dernières années, le pays a fait d’importants efforts de réforme en matière de foresterie afin de limiter la dégradation des forêts et de réduire la déforestation. Grâce aux changements apportés à la politique forestière, à la stricte application de la Loi sur les parcs nationaux et à l’adoption d’une politique interdisant l’exportation de bois non transformés, le Gabon a réduit les émissions de CO2 provenant des opérations forestières et de la déforestation d’environ 530 millions de tonnes depuis 2005. Nous avons réservé 21 % de notre territoire en tant que zones protégées et avons investi des dizaines de millions de dollars de fonds de l’Etat pour la conservation et la lutte contre la criminalité liée à la faune (en particulier le massacre des éléphants de forêt et d’autres espèces sauvages par des réseaux criminels organisés, mais aussi la lutte contre la foresterie et la pêche illégales).

Le Plan de Développement Stratégique est entièrement compatible avec la stratégie d’action climatique du pays; d’autre part, l’adoption d’une loi sur le développement durable en 2014 incorpore les principes du développement durable et de l’équité intergénérationnelle dans le droit national.

Le Gabon s’est engagé, de façon inconditionnelle, par le biais de sa Contribution Nationale, à réduire de 50 % ses émissions de carbone d’ici 2025 par rapport à 2005, ce qui ne sera possible que si la foresterie et la conversion des zones de forêt en terres agricoles sont soigneusement contrôlées.

Notre joint-venture avec Olam est coordonnée au développement de notre politique nationale ; nous avons déjà engagé Olam à se conformer aux normes environnementales et sociales les plus strictes. La société Olam respecte de façon proactive ces normes imposées par le Gouvernement et contribue activement au plan de développement économique durable du Gabon tout en créant des emplois ruraux et des revenus indispensables à la population majoritairement jeune du Gabon.

Sélection des zones d’aménagement du territoire:

Le rapport s’appuie de façon sélective sur les Évaluations de l’impact environnemental et social(ESIA) réalisées par Olam et définit les choix opérés par le gouvernement gabonais ainsi que par Olam Gabon pour les premières phases du développement de la culture du palmier à huile au Gabon.

Un guide clé est le Plan national d’utilisation des terres, en cours d’élaboration. (www.pnatgabon.ga).

Le Plan vise à optimiser l’affectation des terres à l’agriculture, à la foresterie, à la conservation et à d’autres utilisations, afin de permettre un développement durable ne contribuant pas au changement climatique. Les objectifs nationaux en matière d’agriculture de subsistance et industrielle peuvent être atteints en allouant des zones déjà dégradées qui ont été exploitées dans le passé par les populations rurales, des forêts exploitées et secondaires de faible valeur écologique et des zones dans les régions dominées par la savane. La densité de population rurale du Gabon est d’environ 1/66ème celle de l’Indonésie, ce qui réduit significativement le besoin en terres agricoles. C’est donc un fantasme d’imaginer, comme semble le faire Mighty, que le Gabon convertira ses paysages forestiers anciens en terres pour l’agriculture industrielle; seul un petit pourcentage des terres forestières les moins précieuses sera mis à la disposition de tels projets au travers de notre Plan national d’utilisation des terres.

Le processus de planification de l’utilisation des terres est exposé dans l’ébauche de politique de l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon sur les palmiers à huile, qui a été remise en 2015 aux différents intervenants, y compris Brain Forest, pour recueillir leurs commentaires, ainsi qu’à deux publications scientifiques dont les articles sont révisés par des pairs. Le rapport de Mighty ne mentionne aucun de ces travaux de planification, qui sont, selon nous, tout-à-fait uniques dans les régions tropicales.

L’attribution à Olam de permis de plantation de palmiers à huile a été un test clé dans la mise en œuvre de ce Plan d’utilisation des terres. Alors que les premiers permis (très critiqués par Mighty dans son rapport) dans la région de Kango ont été accordés avant que le processus de Planification de l’utilisation des terres ne soit mis en œuvre, le rejet par Olam de deux des trois permis a été conforme aux recommandations préliminaires du Comité pour l’aménagement du territoire chargé de l’élaboration de ce plan. La concession d’Awala a également servi de test pour l’équipe en charge de la planification de l’utilisation des terres, qui a pu identifier des concessions offertes ultérieurement à Olam. Il est erroné d’affirmer, comme Mighty le fait dans son rapport, qu’Olam a décliné ces permis suite à une enquête menée par la Fondation Brain Forest; ceci s’est effectué de manière proactive par Olam et le Gouvernement après les évaluations de l’impact économique et social.

Les analyses de carbone et de conservation menées par le Gouvernement gabonais avant l’allocation ultérieure à Olam des concessions de plantations de palmiers à huile signifient que l’allocation des terres a été optimisée afin de permettre le développement de plantations de palmiers à huile neutres en carbone, avec un impact minimal sur la biodiversité et les services éco systémiques. Les évaluations soigneusement réalisées par Olam de l’impact environnemental et social sur les paysages, y compris la cartographie du carbone forestier, les analyses du VHC ainsi que l’élaboration d’un CLIP, ont confirmé l’analyse du Gouvernement et ont abouti à d’importantes mesures de conservation. Ces décisions ont été également validées par des recherches indépendantes sur les émissions de carbone d’Olam.

Pourquoi, selon le Gabon, l’Approche Haut Stock de Carbone (HCSA) ne correspond pas aux besoins du pays

Le Gabon s’est engagé au niveau national à protéger les forêts à haut stock de carbone, ainsi qu’il l’a formulé dans sa Contribution Nationale à la Convention sur les changements climatiques de l’ONU. Nous nous félicitons de cette approche inclusive et scientifique de la conservation du carbone forestier. Mighty insiste néanmoins pour que le Gabon adopte une Approche Haut Stock de Carbone dans le but spécifique de dénoncer la destruction catastrophique des forêts du sud-est asiatique. Le «guide de l’HCSA» de 2015 ne traite pas des pays qui ont une superficie forestière importante, comme le Gabon, et le guide de nouvelle «convergence» n’a pas été publié; nous croyons qu’elle ne concerne pas les cas comme le Gabon et qu’elle n’a pas été testée. Par conséquent, nous pensons que cette insistance sur la HCSA n’est pas justifiée.

HCSA est une norme industrielle qui prend sa place dans un plan national d’utilisation des terres pour protéger les forêts et la faune, et un cadre légal pour réduire les émissions de carbone. Le Gouvernement gabonais comprend et encourage notre industrie agricole à se conformer aux normes mondiales de l’industrie et est donc heureux d’inviter le groupe de travail de l’HCSA à se rendre auprès des intervenants gabonais et entamer un dialogue afin qu’une norme inclusive puisse être développée.

Il nous semble que Mighty ne tient pas compte des efforts de conservation, de gestion et de planification de l’utilisation des terres que le Gouvernement gabonais a entrepris de façon régulière au cours des 15 dernières années. De même, il ne mentionne pas la gestion forestière du Gabon qui a conduit à éviter plus de 500 millions de tonnes d’émissions de CO2, nos efforts de protection et d’aménagement de nos forêts qui font qu’aujourd’hui les forêts du Gabon retiennent environ 60 millions de CO2 par an, ainsi que l’engagement du Gabon à ce que le pays reste un puits net de CO2. Des recherches indépendantes réalisées au Gabon montrent en effet que les activités du joint-venture Olam sont elles-mêmes positives vis-à-vis du changement climatique, en raison des vastes zones de forêt conservées et restaurées, et des plantations en majorité effectuées dans les zones de savane. Aucune de ces réalisations n’est mentionnée dans ce rapport partial.

Protéger notre faune emblématique

Nous avons dès le départ travaillé activement avec Olam afin de nous assurer que le développement des plantations de palmiers à huile n’ait pas d’impact négatif sur les écosystèmes et les espèces qui sont importantes pour le pays, y compris les populations de chimpanzés et de gorilles, et que ces normes soient appliquées à toutes autres compagnies demandant des concessions au Gabon. Nous travaillons également ensemble à l’élaboration d’un plan national de réduction des conflits entre humains et éléphants afin que les agriculteurs et les éléphants puissent coexister dans les zones rurales. De multiples ESIA montrent que les zones allouées à Olam ont été fortement chassées pour la viande de brousse, y compris d’espèces protégées. Il est envisagé que les mesures prises par Olam, en partenariat avec des organismes gouvernementaux, pour protéger des zones très étendues d’habitat de la faune et prévenir le braconnage (qui incluent des investissements importants pour la surveillance et la gestion de la faune sauvage), entrainent à long terme une augmentation des populations animales locales, non le contraire. Aucune de ces considérations ne figure dans ce rapport partial.

Investir dans la technologie pour inverser à terme la déforestation tropicale

Au Gabon, nous soutenons les engagements pris au niveau mondial pour ralentir, stopper et finalement inverser la déforestation tropicale. En dépit de la prééminence des forêts au Gabon, nous étudions activement comment nous pouvons obtenir une déforestation nette nulle, grâce à une conversion soigneusement planifiée des terres pour l’agriculture et à la conservation et la restauration des forêts dans d’autres zones.

Le Gouvernement gabonais a investi auprès d’une agence spatiale la capacité de télécharger des images satellites tant pour le Gabon que pour l’ensemble de la zone de forêts tropicales africaines, afin de développer la capacité nationale à détailler l’imagerie satellitaire pour surmonter les problèmes techniques mentionnés dans le rapport de Mighty, et publier une évaluation annuelle de la déforestation et de la reforestation au Gabon (www.ageos.ga).
Aucune de ces mesures n’est mentionnée dans ce rapport partial.

Invitation au Sénateur Waxman à se rendre au Gabon

En conclusion, il est très décevant de constater que ni ces différents points, ni les importants avantages sociaux découlant de l’emploi stable et de l’investissement rural, n’apparaissent dans le rapport de Mighty–est-ce parce que l’équipe de Mighty n’a pas pris le temps de discuter avec les différents intervenants?

Nous ne pensons pas que Mighty s’oppose à la nécessité urgente pour le Gabon de diversifier son économie, de réduire la pauvreté, de procurer des emplois sûrs, de garantir le régime des terres rurales et d’assurer la sécurité alimentaire. Les membres de Mighty n’ont tout simplement jamais visité le Gabon pour comprendre le travail unique que nous avons réalisé dans le cadre de notre joint-venture avec Olam, ou même discuté de ce travail avec nous. Par conséquent, nous sommes ravis que le Sénateur Waxman, Président de Mighty, ait accepté l’invitation personnelle du Premier ministre gabonais à entamer une discussion sérieuse, et nous espérons qu’il visitera le Gabon et les plantations de notre joint-venture, afin de donner à Mighty une image exacte et précise de notre stratégie de développement national.

De même, nous serions heureux d’engager des discussions avec des ONG, des investisseurs, des clients utilisateurs de l’huile de palme et des experts intéressés à connaître la stratégie du Gouvernement et le travail difficile et unique que le Gabon réalise pour mener à bien son développement.

Nous invitons toutes les parties intéressées à venir voir ce que nous faisons et à nous faire part de leurs idées constructives pour nous aider à faire mieux encore.

Professeur Lee White
CBE Directeur des Parc Nationaux
Négociateur auprès de l’UNFCCC pour les forêts et l’agriculture du Gabon

© National Geographic society

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