Témoignage de Raïssa oyasseko, rédactrice en chef des Echos du Nord paru dans le n°365 du Lundi 7 Novembre 2016.
«Je venais de déposer l’enfant à l’école, aux environs de 8 heures, lorsque trois hommes armés, à visage découvert sont entrés chez moi. « Madame Raïssa levez-vous, nous sommes venus vous chercher », m’ont-ils dit d’un ton ferme. Je leur ai demandé : « Avez-vous un mandat d’arrêt ?» Réponse : « Nous sommes du Cedoc, nous n’avons pas besoin de mandat. » « Laissez-moi au moins le temps de mettre une tenue confortable pour que je puisse vous suivre », ai-je ajouté.
Réaction : « Non, Madame, suivez-nous c’est tout !» Heureusement que mon mari, se trouvant dans la chambre, a entendu les cris et a agi avec promptitude. Il m’a rejointe et a réussi à calmer les agents en leur demandant de me laisser le temps de m’habiller. « Messieurs, laissez-lui le temps de s’habiller. Elle va vous suivre », leur a-t-il fait comprendre.
Partie de chez moi à 8 h 30, je n’ai pas été violentée. Une fois au Cedoc, le lieutenant chargé de l’enquête est venu me poser des questions, voulant exactement savoir qui était la source et l’auteur de l’article sur le général. Je lui ai dit que je ne connaissais pas. Mais, comme ils ne me croyaient pas, ils m’ont bâillonnée, ont commencé à me donner des coups sur la plante des pieds. Ils voulaient savoir le rapport que j’entretenais avec Marc Ona Essangui et Georges Mpaga. Je leur ai dit qu’ils sont de la société civile. Sachant déjà que mon compagnon était Sosthène Nguema Nguema, ils ont fait le lien et se sont mis à me tabasser à nouveau. Ils m’ont placée sur les tables-bancs qu’ils appellent pont.
A l’aide d’un tuyau noir dans lequel il y avait un bois, ils m’ont donné des coups aux fesses, cuisses, à la plante des pieds. Sous la torture, ils m’ont contraint de leur donner mon mot de passe pour voir avec qui j’échange le plus souvent. Ils ont voulu savoir qui a écrit l’article sur le général du Cedoc. La torture a duré une heure. Et je suis, malgré tout, restée ferme sur ma position, réitérant ma méconnaissance au sujet de la source de cet article.
Autour de 13 heures, j’ai rencontré le général dans une salle de réunion. Il m’a clairement dit qu’il n’avait pas de problème avec moi et qu’il voulait juste savoir qui était notre source au sujet de cet article. Je lui ai dit que chaque journaliste a ses sources et que je ne pouvais pas connaître les sources de celui qui a fait l’article.
Je lui ai répondu comme au précédent que je n’en savais rien. Sous la torture précisément, ils m’ont attaché les pieds et les mains, ils ont mis un fer entre mes pieds et mains, ils m’ont accrochée au pont, en me battant. Deux hommes étaient placés de part et d’autre. Ils me balançaient alors l’un vers l’autre, chacun me maintenant un moment, puis me relançait vers l’autre qui en faisait autant. Je n’ose pas dire l’atrocité de la douleur.
Jusqu’à présent, je n’arrive toujours pas à bien marcher, et tout mon corps est endolori.»
Source Echos du Nord N°365 du Lundi 7 Novembre 2016