Tribune

Pourquoi la diaspora paraît-elle plus en colère ?

Ecouter cet article

Alors qu’un calme apparent règne au Gabon depuis la validation de l’élection d’Ali Bongo par la Cour Constitutionnelle, dans la diaspora la grogne ne faiblit pas. Les manifestations et les coups de gueules contre le pouvoir s’enchaînent tant sur internet que dans diverses places des grandes villes européennes, américaines et africaines. Pourquoi les gabonais à l’étranger semblent-ils être plus en colère que ceux qui sont au pays ?

L’on pourrait se contenter d’une réponse plus ou moins facile : « ils ont moins peur du Pouvoir ». Mais ce serait éclipser une kyrielle de raisons bien plus profondes.

Il faut nous rappeler que la plupart des grands opposants que l’Afrique subsaharienne, particulièrement, ait connue venaient de l’étranger. Ce sont ces compatriotes qui étaient allés étudier à l’étranger. Dans le cas du Gabon, on se souviendra de Germain Mba, Jean-Hilaire Aubame, André Mba Obame, Paul Mba ABbessole, Pierre-Louis Agondjo Okawé, Joseph Rendjambe, Adrien Nguema Ondo, etc. Bien sûr, nous ne pouvons ne pas citer le MORENA, Mouvement de Redressement National, créé au Gabon en 1981 par feu Simon Oyono Aba’a, et qui a connu son éclosion dès l’année suivante grâce à son extériorisation en France. Il est considéré comme le tout premier parti politique ouvertement opposé à Omar Bongo et au monopartisme. Evidemment, ce dernier n’y est pas allé de main morte pour réprimer ce qu’il nommait de « tentative de déstabilisation de l’Etat ». En effet, les leaders du mouvement, notamment Simon Oyono Aba’a lui-même et d’autres comme Barthélémy Moubamba Nziengui, ont été traqués, arrêtés et condamnés à 20 ans de travaux forcés.

C’est conscient du danger que courrait son régime totalitaire s’il permettait la constitution d’une véritable diaspora qu’Omar Bongo a tout fait pour restreindre les sorties des Gabonais. D’ailleurs, jusqu’en 1990, les gabonais devaient se faire délivrer un visa spécial de sortie afin d’être autorisés à quitter le pays. Les seuls bénéficiant d’un traitement relativement plus allégé étant les rares étudiants boursiers et les diplomates. Même l’accès aux médias étrangers était restreint et strictement réglementé. On nous maintenait dans une espèce de cocon, de bulle afin de nous faire croire que le monde commençait et se limitait au Gabon. Comme dit l’expression : « on nous avait mis dans la bouteille ». Pendant des décennies, nous sommes restés convaincus que ce que nous vivions était le mieux qu’on pouvait nous offrir. Les chaînes nationales psalmodiaient le pouvoir à longueur de temps et aucune chaîne de l’opposition n’était autorisée. C’est à cette situation que nous devons l’excessive estime de nous-mêmes que nous avons aujourd’hui. Etant convaincus « qu’être gaboma c’est mal SWAG » et que les étrangers nous sont inférieurs et souffrent plus que nous. Du moins, les autres subsahariens. Notre isolement a créé notre propre surestimation de nous-mêmes et un dédain à l’égard des autres. Pourtant, tout saint d’esprit verrait que nous n’avons rien d’enviable. Surtout pour un pays aussi riche en matières premières que le nôtre.

Pour prévenir toute radicalisation des gabonais à l’étranger, le pouvoir effectuait des politiques de charmes. En général, à l’étranger, ils vous approchaient afin de vous proposer un poste important une fois que vous aurez fini vos études et que vous déciderez de rentrer au pays. Cette méthode a fonctionné chez beaucoup de nos hauts responsables que nous connaissons aujourd’hui. Citons Jean Ping, André Mba Obame, Casimir Oye Mba et bien d’autres.

Mais qu’est-ce qui se passe quand on va à l’étranger concrètement ?   

Premièrement, l’atmosphère change. Au Gabon, nous sommes entourés de beaucoup de pessimistes qui nous polluent les oreilles de leurs craintes du pouvoir. Ils ne comprennent pas qu’on « s’expose » compte tenu des éventuelles représailles qu’on pourrait subir. Les gens ont peur, et ils attendent de nous qu’on agisse comme eux. Les arrestations arbitraires, les tortures et les détentions illégales sont légions. Une bonne frange de la population préfère taire sa colère, voire la noyer dans la REGAB, l’antidépresseur numéro un au pays. En gros, on est peu soutenus. Beaucoup ont longtemps préféré souffrir en silence que crier leur colère. Celui qui parle quand tout le monde se tait est marginalisé. « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux », nous rappelle Benjamin Franklin.

Deuxièmement, on est un peu plus en sécurité à l’étranger qu’au Gabon. Dans la mesure où la justice est loin d’être la plus impartiale qui soit au pays. Des actes ouvertement dictatoriaux et despotiques sont perpétrés sur la population sans que la justice ne réagisse. Elle se contente d’un état catatonique et n’intervient que pour taper les opposants sur les doigts ou encore légitimer les exactions des Forces dites de l’ordre. Les populations ont désormais plus peur des Forces dites de l’ordre que des délinquants. Comment leur faire confiance ? L’appareil judiciaire est aussi corrompu que le financier. Rendez-vous compte : pour se faire engager dans un quelconque corps armé, il faut connaître quelqu’un qui pourra faire progresser notre dossier ou alors distribuer quelques pots-de-vin ici et là. Les personnes chargées de combattre la corruption sont elles-mêmes corrompues, dès la base. Le processus de recrutement en lui-même étant entaché de toutes les formes de couardises.

Troisièmement, les yeux s’ouvrent. Dans le sens où on a davantage accès à l’information, contrairement au pays. La connexion internet au Gabon est quasi primitive, les informations sont dosées à la hauteur du Pouvoir et les médias qui ne sont pas au pas sont régulièrement censurés par le Conseil national de la communication. L’information est donc biaisée. Par exemple, durant les récentes manifestations postélectorales, la diaspora était mieux informée de la progression des choses que les gabonais qui étaient au pays. Puisque tous les moyens de communications étaient coupés.

En dernier lieu, on voit mieux le retard de notre pays. On regarde autour de nous, on voit comment les autres progressent, à quelle vitesse, ce qu’ils possèdent, et on se demande pourquoi certaines de ces choses n’existent pas chez-nous. Des choses souvent banales et à la portée de notre pays. Quand on compare notre pays à ce qu’on voit ailleurs, on se rend compte que le pouvoir ne fait que débiter des coquecigrues. Ce qui occasionne la colère qu’on ressent dans la diaspora. Exacerbée par le récent massacre de la population par des mercenaires et les Forces dites de l’ordre.

L’issue de cette crise est impondérable. Parce que oui, il y a crise. Même si le Pouvoir s’acharne à ne pas utiliser ce mot pour décrire la situation. Désormais, elle n’est plus qu’économique ou politique, elle est sociale et culturelle. « Le pays est sous perfusion », comme le disait si bien le groupe de rap, Hay’oeu.

Le Président se dépatouille comme il peut pour se faire accepter quand la population ne rêve que de le rapiécer. Voilà dans quoi nous sommes aujourd’hui. C’est pourquoi nous sommes loin d’être sortis de l’auberge. Désormais il n’est plus question de la colère de l’Opposition, c’est la population qui gronde. Et la méthode du Pouvoir qui consiste à maintenir un climat de terreur en enfermant les gens à tout va ne fait que produire l’effet inverse. La population est une bouteille de champagne qu’ils ne font que secouer. Gare à eux si le bouchon saute. Ce jour-là, ce sera pire que lors des dernières manifestations.

Les gabonais au pays ne se sont pas résignés, non. La diaspora n’est donc pas plus en colère. La marmite boue toujours au pays, ils ont juste mis un couvercle dessus. Mais les disparitions des activistes, les arrestations, tortures, et détentions arbitraires qui se poursuivent ne sont que des braises qu’ils ajoutent en dessous de la marmite. Avant, les gabonais croyaient qu’ils avaient déjà tout ce qu’ils pouvaient espérer avoir. Désormais, ils comprennent peu à peu qu’en réalité ils n’ont rien du tout; donc, rien à perdre. Et c’est quand une personne n’a rien à perdre qu’elle devient le plus dangereux.

Ce n’était que mon Point de Vue.

Ink Watu.

 

PUB-GLOBAL MEDIA TIME Middle bannière

Gabon Media Time

Gabon Media Time est un site d'actualité dont le slogan est " A l'heure de l'info". Nous entendons réinventer l'actualité en ligne gabonaise et sous régionale.

Articles similaires

6 commentaires

  1. Votre question est mal poser les gabonais qui sont à l’extérieur sont à labri de la peur par contre sont ceux qui sont Gabon
    Sont pour chasser par le pouvoir qui les tues par tous les moyens dont ne vous poser pas la question de savoir pourquoi les gabonais
    De de la diaspora continu de manifestées eux il ne sont pas au Gabon.

  2. bonsoir, nous ne savons « paraître » nous sommes déterminé et devenons plus activistes mais pas en colère! !!! c’est pas notre genre, on laisse ça aux rigolos qui miment leurs gourou hitler, franco nous savons comment ça va finir !!!! Au pays nos compatriotes se préparent à passer à l’autre phase stratégique de la destitution du régime génocidaire d’ali, qui comme vous l’avez constaté mais en parlé peu,a sa bande armée, kidnappent, torturent, et tuent la moindre expression vivantes de revendication pacifique! Les panthères, les éléphants et les caméléons sont dans la même forêt du Gabon, nous savons que le braconnier de « pot a mots chèrs » sortira de son terrier! témoignez des souffrances des Gabonais sans salaires svp!

  3. En outre la diaspora sait que son retour au pays après s’être manifestés justement contre le hold-up électoral est plus que périlleux. Moi même marié à une gabonaise nous n’osons pas venir en vacances après avoir soutenu Ping sur les réseaux sociaux.

  4. La diaspora est dans un pays ou ils ont un peu plus de liberté de manifester. Au Gabon la population reste déterminée mais est en état de siège. Elle est sans arme face à une armée bien équipée. Même une certaine armée (désarmée ) est prête soutenir le peuple et le régime le sait. Malheur au régime le jour oû les résistant possederont les armes. Le peuple au Gabon est conscient que ce régime nous ramène en arrière et le peuple lutter a pour ça.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page