Les habitants des quartiers Plein Ciel et Batavea dans le 6ème et le 3ème arrondissement de Libreville ont passé une nuit du 17 au 18 février 2017 dans une horreur indescriptible. La pluie qui s’est abattue sur la capitale a causé des inondations d’une ampleur apocalyptique. Sur les lieux, ce matin, Gabon Media Time a fait le constat qui suit.
Des maisons inondées jusqu’à la toiture
Il est 8 heures lorsque nous arrivons à Plein Ciel. Sur les lieux, des centaines de personnes visiblement fatiguées par la nuit d’horreur qu’ils ont vécu crient leur colère contre le gouvernement, qui selon eux, les a abandonné. Le spectacle est incroyable; des maisons, la quasi-totalité des maisons du bassin sont inondées jusqu’à la toiture. Certaines d’entre elles vont s’écrouler, la montée des eaux a fragilisé les structures.
Des sinistrés abandonnés
Sous les regards des badaux,les habitants abandonnés à eux-mêmes sous des eaux qui ont envahi leurs maisons planchent sur leur sort. Parmi les sinistrés, des enfants, des personnes du troisième âge, des hommes et des femmes. Dans une des maisons, il y aurait une sexagénaire qu’ils n’ont pas pu sauver. Comment faire pour la retrouver? Personne ne le saura jusqu’à ce que les eaux tarissent. «Qu’est-ce que nous avons de moins que les autres habitants de Libreville. Pourtant au niveau de la station ils
ont construit une buse. Ici, chaque année nous perdons tout sans que cela n’émeuve personne» s’offusque un retraité qui habite le quartier. Des femmes crient leur détresse et menacent de barrer la route «Nous allons poser les barricades sur la voie publique pour interpeller les autorités. C’est nous les gabonais de seconde zone, qui devons subir chaque année des inondations. Nous osons croire qu’ils ne viendront pas nous parler d’élection cette année.»
Les dégâts matériels inestimables, appareils électroménagers (poste téléviseurs, magnétoscopes, décodeurs, téléphone portable…), mobiliers domestiques, vêtements, tenues scolaires pour les écoliers et collégiens, documents administratifs… sont sous l’eau et sont irrécupérables.
La répression policière en lieu et place de l’assistance des pompiers
Les habitants dans le désarroi ont entrepris au petit matin de barrer la partie de la voie express qui traverse leur quartier. Plutôt que d’envoyer les pompiers sur les lieux pour aider et assister les populations sinistrées, les autorités ont dépêchés sur les lieux des policiers armés de bombes lacrymogène et de matraques pour réprimer avec la dernière énergie ce mouvement d’humeur pourtant légitimé par la non assistance dont ils sont victimes.
Où est donc passé l’Etat gabonais ? Est-on en droit de se demander. Des hommes, des femmes et des enfants crient à l’aide et les autorités du pays qui les a vu naître les abandonne et choisit la répression en lieu et place du soutien matériel et moral. Mais dans quel pays sommes nous? S’exclament ces habitants qui ne savent finalement plus à quel sein se vouer.
Au niveau du quartier Belle Peinture, une des zones touchées par ces inondations, une femme blessée au pied nous décrit la violence avec laquelle les policiers les ont dispersé. «Ils sont venus au petit matin, même pas chercher à nous aider. Ce sont les éléments de la FOPI (Forces de police d’intervention [NDLR]) qui nous ont tiré dessus. Vous voyez la bande sur mon pied, je me suis blessée en fuyant.» Un bien triste témoignage quand on sait que ces populations ont passé la nuit la plus horrible qu’ils n’ont jamais connu de leur vie.
Cette situation vécue la nuit dernière par les habitants des quartiers Plein Ciel et Batavea donne à réfléchir. Plusieurs questions taraudent également les esprits des gabonais. Quel est le véritable rôle de l’Etat aujourd’hui? Le droit à un logement décent pourtant consacré par la Constitution n’est-il pas totalement ignoré par les autorités? Où en est le projet d’aménagement des bassins versants de Libreville financés à coût de milliards par l’Agence française de développement et par la Banque africaine de développement ? Le gouvernement est attendu pour donner des réponses au peuple qui lui donne sa légitimité.