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Lettre ouverte des employés de Shell Gabon à la direction générale

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En grève générale illimitée depuis le mercredi 11 janvier 2017, les employés de Shell Gabon ont adressé une lettre ouverte à leur Direction générale. Dans cette correspondance, ils interpellent le Directeur général, Osayande Igiehon, sur le manque de considération affiché à leur égard et l’exhorte à trouver un accord qui prendrait en compte le respect de leurs droits avant l’acte de vente de l’entreprise. Nous publions in extenso l’intégralité de la lettre des employés de Shell Gabon.

Messieurs,

Depuis près d’une année, les employés ont à maintes reprises convié la Direction de Shell à communiquer sur le processus de la vente de Shell Gabon qui avait été relayée par plusieurs sources internes et externes afin d’intégrer les préoccupations et suggestions des employés pour une transition apaisée et efficace comme Shell l’a souvent fait ailleurs. Vous nous avez à chaque fois opposé un refus catégorique, car aux dires de l’actuel Directeur Général, M. Osayande Igiehon, son « mandat était de gérer l’entreprise et non de la vendre» allant jusqu’à démentir le Président de la République Son Excellence Ali Bongo Ondimba, lorsque celui-ci fit mention de l’éventualité de cette vente lors d’une interview au Kenya le 14 mai 2016.

Suite à l’annonce officielle de la vente le 24 novembre 2016, nous vous avons à nouveau convié au dialogue le 01 décembre 2016 ce qui vous a conduit à mandater M. Christian Woaye, Chef des Ressources Humaines de Shell Gabon, assisté de Nicolas Sosso pour négocier les mesures d’accompagnement avec les employés. Force était de constater cependant qu’après plus de 3 semaines d’échanges avec M. Woaye au cours desquelles nous lui avons fait un éventail de propositions pour concilier les intérêts de Shell et ceux des employés, celui-ci ne nous a offert aucune contre-proposition tangible. M. Woaye finira par nous avouer qu’il n’avait pas de mandat pour trouver un accord avec les employés avant la finalisation de la vente.

Face à cette volonté manifeste de Shell de prendre les employés de cours et nous mettre sur le fait accompli, sachant pertinemment que la période de transition avec le repreneur était très courte, nous avons été contraints de forcer les choses en déposant un préavis de grève qui a enfin conduit à l’entame de réelles négociations depuis le 3 Janvier 2017 sous la supervision de l’Inspecteur Spécial du Travail en charge de l’industrie. Après avoir consentis de très grands compromis sur notre cahier de charge, nous étions prêts à accepter la proposition conciliatrice que Mr l’Inspecteur Spéciale du travail avait faite aux deux parties le 6 janvier 2017 lorsque Shell a à la dernière minute et à la surprise générale changé unilatéralement son interprétation de la base de calcul de la compensation discutée, comme contenues dans notre courrier du 01 décembre 2016, et comme peuvent l’attester les procès-verbaux de nos différents échanges, annulant ainsi toutes les avancées faites à ce jour.

Ces manœuvres malhonnêtes et irrespectueuses de l’équipe de négociation de Shell qui a ouvertement appelé les employer à soit accepter l’offre insultante qu’il proposait ou aller en grève, exposant ainsi le pays à des conséquences incalculables alors que l’effort demandé par les employés est largement inférieure à ce que le Groupe Shell a fait dans d’autre pays pour les mêmes types de situation. Ces manœuvres traduisent clairement un manque notoire de respect et de considération pour les employés locaux et le pays qui ont pourtant tant donné au Groupe Shell au cours des cinquante dernières années. Une attitude qui ne date malheureusement pas d’aujourd’hui comme l’illustre les trois exemples ci-dessous parmi tant d’autres :

En 2009 les mêmes questions de respect et considérations ont conduit à l’arrêt de la moitié de la production du pays pendant plus de deux semaines et le départ précipité du Directeur General de l’époque Mr Hans Baker.

En 2011 les employés locaux sont encore monté au créneau pour dénoncer cet même manque de respect et de considération parce que la direction de Shell Gabon refusait de mettre en œuvre les engagements pris deux ans plus tôt par le Groupe Shell à travers son Directeur Région Afrique Madame Anne Pickard auprès du Chef de l’Etat Son Excellence Feu Président Omar Bongo Ondimba pour la sortie de crise de la grève de 2009. Cette intervention avait une fois de plus amené le Directeur Régional zone Afrique Mr Ian Craig à intervenir et mandater une équipe conduite par le Directeur régional des ressources Humaine Mr Osagie Okunbor à jouer les pompier pour amener la direction de Shell Gabon à mettre en œuvre tous les engagements pris, y compris ceux liés au développement et à la revalorisation des compétences locales.

Plus récemment, au cours d’une communication aux employés, l’actuel Directeur Général de Shell Gabon, M. Igiehon utilisait l’expression selon laquelle le staff local était essentiellement une partie du contenu de la valise à transmettre au repreneur.

A titre de rappel, notez que nous, employés de Shell Gabon avons jusque là fait montre d’une très grande patience et sommes animés d’un désir de trouver une solution à la situation actuelle le plus tôt possible. Nous vous rappelons que notre préavis de grève avait expiré le 5 janvier 2017 et malgré le manque d’avancées, nous ne sommes entrés en grève que 7 jours plus tard. À ce jour, nous sommes en grève depuis 3 jours. Toutefois, alors que nous le pouvions, nous n’avons pas arrêté la production. À l’heure où nous vous écrivons, nous avons même consentis à revenir à un niveau de production supérieur, démontrant ainsi notre volonté de ne pas pénaliser l’Etat et nos partenaires et de privilégier la continuation des négociations. Malgré tous ces efforts de la part des employés, nous n’avons encore vu aucun effort significatif de votre part pour arriver à une sortie de crise, alors que ce que demandent les employés est largement à votre portée. Nous notons que les seules avancées à ce jour nous viennent du gouvernement.

Nous réaffirmons une fois de plus que nous ne saurons tolérer ce manque de respect et de considération, même dans cette dernière phase de notre histoire commune, et nous sommes déterminés à obtenir une juste compensation des préjudices subis et des efforts consentis tout au long des années y compris ces dernières années pour permettre à la compagnie d’être vendu à prix d’or aujourd’hui. Au titre du préjudice, nous rappelons que l’ensemble des employés ont choisi de joindre Shell Gabon à cause des perspectives de carrière et la protection relative que cette entreprise offrait de par son appartenance à un grand groupe international. Ces acquis sont désormais anéantis par notre transfert vers une société qui est seulement en train d’être créée et dont l’avenir est plus qu’incertain, nous exposant incontestablement à un futur précaire.

Aussi, nous souhaitons rappeler à tous que le monde entier sait que le Groupe Shell vend ses participations dans Shell Gabon pour financer l’acquisition de BG qui est une très grosse opération pour le groupe Shell qui en attend un important retour sur l’investissement. Par conséquent, conclure l’opération de vente de Shell Gabon dans les meilleures conditions pour permettre une continuité sereine des opérations est un impératif pour toutes les parties prenantes à cette transaction. Il n’est donc dans l’intérêt de personne que nous allions dans la direction que semble vouloir nous pousser Shell à travers son attitude marqué par un manque manifeste de considération pour ses employés locaux et le pays qui lui ont tant donné car la tactique d’attendre « pour refiler le problème à l’acquéreur » est périlleuse à bien d’égards. Vous avez sans doute déjà conscience des premières conséquences de cette attitude qui a déjà installé un climat extrêmement délétère dans la compagnie.

Nous espérons que Shell va se résoudre à trouver un accord rapide et satisfaisant avec les employés afin que nous commencions à penser sereinement au futur. L’alternative serait un jeu ou nous serons tous perdants.

Que notre attitude à privilégier le dialogue ne soit pas perçue comme un aveu de faiblesse. Plus que dans le passé, nous sommes déterminés à ne pas être laissés pour compte dans cette opération.

Cordialement,

Les employés de Shell Gabon

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