
Ancien directeur adjoint de cabinet d’Ali Bongo Ondimba, ancien ministre de la Fonction publique et opposant depuis 2016, Serge Maurice Mabiala a su s’imposer devant la machine pédégiste représentée par son plus farouche adversaire et ancien compagnon d’armes Léon Nzouba du Parti démocratique gabonais (PDG), en remportant le siège de député du 1er arrondissement de Mouila lors des Législatives d’octobre 2018, dont les résultats des partielles ont été officiellement proclamés par la Cour constitutionnelle le 19 septembre 2019. Le nouvel homme fort du 1er arrondissement du chef-lieu de la province de la Ngounié et cadre éminent du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), dont il est un membre fondateur, suscite autant admiration que crainte. Mais qui est cet homme imposant, qui fascine par sa volonté d’impulser le changement et de défendre les droits des citoyens du 1er arrondissement de Mouila à l’Assemblée nationale ? Portrait.
Au premier abord, Serge Maurice Mabiala (S2M) est un géant. Il culmine à plus d’1 mètre 90 pour plus de 90 kilos. Mais ne vous y trompez pas. L’homme n’a pas tout misé sur son physique au détriment de sa matière grise. Né le 19 octobre 1963 au Gabon, S2M est marié et père de 4 enfants. Ce pur produit de l’école publique gabonaise obtiendra son baccalauréat technologique série F4 au Lycée technique National Omar Bongo en 1986, avec mention. Il poursuivra ensuite son cursus universitaire à l’université Omar Bongo où il obtient une maîtrise en sciences économiques en 1992 à la faculté de droit et des sciences économiques, avant de s’envoler pour la France où il intégrera l’Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand et en sortira diplômé en 1994.
De major de promo à l’ENA aux hautes fonctions dans l’administration gabonaise
Loin de son pays, Serge Maurice Mabiala a à coeur de représenter valablement son pays le Gabon, en figurant parmi les meilleurs étudiants de France. En effet, de passage à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) en France en 2000 de la promotion Averroes, diplômé de l’Ecole nationale supérieure du pétrole et des moteurs en 2003, et major de l’Ecole Nationale d’Administration du Gabon, le député du 1er arrondissement de la commune de Mouila est qualifié par ses anciens collègues ou amis comme étant quelqu’un d’intelligent, de brillant et de travailleur. D’ailleurs, son parcours professionnel semble plaider en sa faveur.
Ainsi, le secrétaire exécutif adjoitn du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM) occupera différentes hautes fonctions dans l’administration gabonaise. Tout d’abord, il sera inspecteur des impôts au ministère des Finances en 1994, puis sera en stage en Préfecture du département du Jura en Franche-Comté en France de 1999 jusqu’en 2002 où il assurera la fonction de directeur de cabinet par intérim du Préfet du jura, B. Fragneau, avant de rentrer au Gabon.
Dès son retour, il sera chargé d’études au cabinet du directeur général des impôts, avant de prendre la tête de la Direction des grandes entreprises à la Direction générale des impôts en 2004. Puis, six ans plus tard en 2010, il quittera cette direction pour intégrer la Direction provinciale des impôts de l’Estuaire. Ensuite, il a occupera successivement les fonctions de Conseiller spécial du président de la République et premier directeur de cabinet adjoint du président de la République Ali Bongo Ondimba, et ministre de la Fonction publique, de la Réforme administrative et de la Modernisation des Cadres juridiques et institutionnels en 2014, avant d’être évincé du gouvernement Ona Ondo III en 2015.
Démission du PDG et traque d’un citoyen qui s’oppose à la dictature au sein du parti
Après la présidentielle de 2009 qui a permis à Ali Bongo Ondimba d’accéder à la magistrature suprême et les changements apportés par ce qui avait été qualifié de « Tsun’Ali », le Parti démocratique gabonais connaissait ses heures les plus sombres durant ce premier mandat du fils d’Omar Bongo Ondimba. Le triptyque Dialogue-Tolérance-Paix était remis en question au sein du parti qui enregistrait une fois de plus des démissions en cascade. Parmi elles, le groupe des cadres du PDG conduit par Alexandre Barro Chambrier sous le courant Héritage et Modernité (H&M), à l’intérieur duquel se trouvait Serge Maurice Mabiala.
La démarche des membres de H&M qui exigeaient « des réformes en faveur de la démocratisation interne du parti, des réformes en faveur de la gouvernance, du dialogue inclusif, de la participation des forces vives », est un coup dur pour le PDG pas habitué à la contradiction qui décide de lancer une traque contre ses membres. Les membres de H&M sont évincés du gouvernement Ona Ondo III.
Ainsi, contre toutes attentes, le 21 septembre 2015, Serge Maurice Mabiala, membre du bureau politique du PDG depuis 2013, est interpellé à son domicile et sera écroué 5 jours plus tard à la prison centrale de Libreville, où il est accusé d’avoir détourné plus d’1 milliard de francs CFA de l’Etat dans le cadre d’une procédure de redressement fiscal, selon le procureur d’alors Sidonie Flore Ouwé, pour des faits qui dataient de 7 à 8 ans.
Cependant, les proches de Mabiala, ses avocats et la société civile dénonçaient « une justice aux ordres et un règlement de comptes politique ». Après une pression exercée par l’opposition qui finit par faire de ce natif de Mouila un des martyrs de la liberté de pensée et démontrait, les incohérences du PDG qui se voulait un parti de dialogue et de tolérance, il est libéré le 15 février 2016 à minuit, après 6 mois de détention. C’est alors un nouveau départ qui dessine le parcours de celui qui deviendra un adversaire farouche de son ancien parti dans la province de la Ngounié.
Naissance d’un des leaders de l’opposition incontesté dans la Ngounié
En 2016, quelques jours après sa libération d’une détention jugée illégale par ses proches, Serge Maurice Mabiala affirme son soutien à Guy Nzouba Ndama pour la présidentielle du 27 août, avant de rejoindre tous ensemble la Coalition pour la Nouvelle République issue de l’exploit de réunification de l’opposition autour d’une candidature unique, celle de Jean Ping.
Son nouveau statut d’opposant fait de lui un persona non grata aux fonctions administratives, comme c’est le cas pour la quasi totalité des opposants au pouvoir en place et ce, depuis l’ère Omar Bongo Ondimba. Seule lui reste la fonction politique qu’il va mettre à profit à travers sa contribution à la création du nouveau parti de l’opposition Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), ex Rassemblement Héritage et Modernité (RHM). C’est en tant que cadre de ce parti qu’il prendra part aux différentes joutes électorales, dont les législatives du 6 au 27 octobre 2018 où il se présente au 1er arrondissement de la commune de Mouila, chef-lieu de la province de la Ngounié.
Avec pour ambition de bouter le parti d’Omar Bongo Ondimba hors du 1er arrondissement de Mouila, Serge Maurice Mabiala déclarera que « le PDG a échoué et les populations ont soif de changement ». Il aura comme principaux adversaires au premier tour Jean De Dieu Moukagni Iwangou de l’Union et Solidarité (US) à l’époque ministre d’Etat en charge de l’Enseignement supérieur, Jean Norbert Diramba du parti Les Démocrates (LD) et à Léon Nzouba du Parti démocratique gabonais (PDG) et député sortant. Il en sort 3ème avec 23% des voix derrière Jean Norbert Diramba (25,83%) et Léon Nzouba (31,87%) qui ont été admis au second tour, mais gagne une place au Conseil municipal du 1er arrondissement de la commune de Mouila.
Pour des raisons non évoquées par le parti Les Démocrates, Jean Norbert Diramba, vainqueur du deuxième tour face à Léon Nzouba qui dénoncera des irrégularités ne se représentera pas aux législatives partielles. Un coup de théâtre qui remet en scelle le candidat du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité. C’est alors que se jouera le destin de ce siège unique du 1er arrondissement de Mouila-Mangondu les 10 et 31 août derniers. Après une campagne âpre, Serge Maurice Mabiala est déclaré vainqueur par la Cour constitutionnelle le 19 septembre 2019 avec 58% des suffrages contre 42% pour son adversaire Léon Nzouba. Il rejoint ainsi ses collègues de la XVIIIème législature au Palais Léon Mba.
C’est alors que naît l’étoile molviloise qui a mis fin à l’hégémonie du Parti démocratique gabonais dans le 1er arrondissement de Mouila, dans la province de la Ngounié.