C’est le sentiment qui ressort après la déclaration virulente du premier président de la Cour criminelle spéciale Paulette Ayo Mba épouse Akolly lors du procès manqué de l’ancien ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire Magloire Ngambia. Loin de rassurer sur le respect du droit à la présomption d’innocence, la magistrate vient de jeter un trouble sur l’impartialité de cette juridiction.
En effet, lors de cette audience qui s’est transformée en véritable défouloir, le premier président de cette juridiction en charge de connaître des affaires de détournements de fonds publics a jeté l’anathème sur l’ancien ministre, qui selon elle aurait refusé de comparaître. Dans la foulée elle a pointé « des forces obscures qui ne veulent pas faire avancer la justice gabonaise » et qui seraient à la manoeuvre pour que ledit procès ne se tienne pas.
Outre, ces propos, Paulette Ayo Mba épouse Akolly a fustigé également le comportement de ces « voleurs de la République » qui détournent « l’argent du contribuable » et laissent croupir leurs compatriotes dans « la misère ». Une déclaration qui démontre clairement la partialité de la Cour, qui à l’avance, suggère avant même la tenue du procès, que l’ancien ministre Magloire Ngambia est coupable puisque désigné comme un « voleur de la République ».
Une déclaration qui n’a pas manqué de susciter des réactions de la part du collectif des avocats « Ce que nous avons entendu aujourd’hui c’est tout sauf du droit. Magloire Ngambia est en détention préventive, on a entendu dire aujourd’hui que c’était un voleur, alors la question que je me pose est : Magloire Ngambia doit-il être jugé ou il est déjà jugé pour la cour criminelle spéciale ? », a relevé Me Alicia Ondo.
Du côté de l’opinion, de nombreuses réactions ne se sont pas faites attendre, certains y voyant une volonté manifeste de la Cour de faire de l’ancien ministre une sorte d’exemple. « Je ne connais pas Magloire Ngambia et je ne sais pas s’il est coupable de ce dont on l’accuse. Cependant, je constate que la magistrate qui va juger son affaire a déjà décidé que c’est un « voleur » qui a « détourné l’argent public » et qu’il est “coupable” », a souligné sur son compte Twitter l’analyste économique Mays Mouissi.
Il faut dire que cette sortie tonitruante du premier président de la Cour criminelle spéciale laisse à réfléchir sur la notion d’impartialité du juge. D’ailleurs, le magistrat qui par intérêt ou par un acte quelconque aurait compromis ce principe s’expose indéniablement à une récusation. Les dispositions relatives à la récusation des magistrats trouvent leur place dans le Code de procédure civil gabonais aux articles 329 à 336.