A La UneDerniers articlesJUSTICE

Gabon : l’article 44 du Code de la communication viole-t-il la Constitution ? Les 9 juges appelés à répondre !

Ecouter cet article

Déjà décrié dès son adoption par l’assemblée nationale et sa promulgation par le président de la République, le Code de la communication n’a pas fini d’être au centre des débats. Le procès qui oppose l’ancien vice-président de la République Pierre Claver Maganga Moussavou au directeur de la publication du site d’actualité Kongossanews Stive Makanga a une fois de plus mis en lumière l’inconstitutionnalité de certaines dispositions  de ce texte notamment son article 44. 

C’est le 03 décembre dernier qu’a eu lieu l’audience du contentieux qui oppose le président du Parti social démocrate (PSD) au journaliste de Kongossanews. En effet, au plus fort de l’affaire sur la disparition des 353 conteneurs de kevazingo, le média avait traité l’ancien vice président de la République de « chef de gang » et mettant en cause ce dernier dans ce scandal politique financier. 

Lors de l’audience, l’affaire n’a pas pu être examinée au fond, malgré l’insistance de l’ancien vice président de la République  de voir ce procès se tenir du fait du caractère diffamatoire de l’article querellé. Ce dernier s’est insurgé contre le fait qu’il avait été traité de « chef de gang » par le journal en ligne, alors qu’il occupait de hautes fonctions. 

En effet, le conseil de la partie adverse, Me Gilbert Foumbi a soulevé « une exception préjudicielle » portant sur l’inconstitutionnalité de l’article 44 du Code de la communication. Ce qui a eu pour conséquence la suspension des débats au fond, provoquant l’ire du plaignant qui a estimé que  « l’accusé veut se réfugier derrière l’inconstitutionnalité d’une loi pour échapper à la justice ». Cette exception qui a été soulevée in limine litis, c’est-à-dire dès le début de l’audience, a de ce fait contraint le président du tribunal à renvoyer le délibéré de l’affaire pour ce 17 décembre 2019.   

En effet, l’article 44 du Code de la communication dispose que « Tout journaliste est personnellement responsable de ses écrits et des informations qu’il diffuse. Il doit s’assurer que l’information qu’il diffuse est juste et exacte et éviter d’exprimer des commentaires et des conjectures sur des faits non vérifiés. Il lui est interdit: l’insinuation malveillante; la calomnie; l’injure ; l’altération des documents ; la déformation des faits; la falsification par déformation, sélection ou infidélité; le mensonge ». Si pour le ministère public cette disposition «  est un garde-fou destiné à prévenir les journalistes des dérapages dans le traitement de l’information, c’est tout », elle s’inscrit, pour Me Gilbert Mfoumbi en porte à faux avec les dispositions de la Constitution qu’elle viole. 

LIRE AUSSI : La validation aveugle du nouveau Code de la communication par le CNC et les parlementaires 

Dans  son titre préliminaire Des principes et des droits fondamentaux l’article 1er alinéa 2 dispose « la liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication… sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public ». Cette disposition montre sans équivoque le caractère sacré de la liberté de la presse et démontre d’un autre point de vue le caractère liberticide de cet article 44.  Un caractère inconstitutionnel qui avait d’ailleurs été soulevé par les professionnels du secteur lors de l’adoption dudit code et lors des rencontres qui ont eu lieu au cours du mois de septembre dernier à la primature et au ministère de la Communication. 

Ainsi, sur le cas d’espèce, l’exception préjudicielle soulevée par le conseil de Stive Makanga ne peut être examinée par le tribunal de Libreville, mais plutôt par la Cour constitutionnelle, qui devra en tirer les conséquences non seulement sur cette disposition mais surtout sur le Code de la communication que Reporters sans frontières qualifie de liberticide.

PUB-GLOBAL MEDIA TIME Middle bannière

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page