De l’avenir en confiance à l’anxiété généralisée: prémices d’une seconde succession dynastique périlleuse au Gabon

La crise multiforme que traverse actuellement le Gabon, accentuée par l’incertitude qui règne au sommet de l’Etat depuis l’accident vasculaire cérébral le 28 octobre 2018 à Riyad en Arabie saoudite du président de la République Ali Bongo Ondimba n’a pas fini de susciter le débat au sein de la classe politique gabonaise. Dans une tribune parvenue à Gabon Media Time, le juriste et conseiller municipal de la commune de Mekambo Barry Ndimal dresse un tableau quelque peu sombre de l’ère Ali Bongo Ondimba, dont le dernier fait en date, selon lui, serait l’incertitude sur son maintien à la tête de l’Etat. Ci-dessous l’intégralité de ladite tribune.
« De l’éphémère rêve du Gabon émergent…à l’AVC de Riyad
C’est à la suite de l’ élection présidentielle anticipée d’août 2009,que Ali Bongo accède à la magistrature suprême succédant ainsi à son père le président Omar Bongo Ondimba qui régna sur le Gabon durant 42 quarante-deux ans.
Des débuts encourageants…
Déclaré vainqueur au sortir d’une élection contreversée,Ali Bongo bien que peu populaire à l’époque avait battu campagne sur le thème du changement en promettant aux gabonaises et aux gabonais un avenir en confiance. Il avait réussi à séduire une partie l’électorat avec la déclinaison de son projet de société en plan stratégique Gabon émergent qui reposait sur trois piliers; le Gabon vert, le Gabon industriel et le Gabon des services.
Dès les premières années de son magistère Ali Bongo procède au lancement des grands travaux, opère plusieurs changements dans l’administration et mets en place un certains nombres de mesures tels que: l’assurance maladie (cnamgs),le revalorisation des salaires des fonctionnaires et des bourses d’études , le paiement des rappels de solde, ainsi que la co-organisation réussite de la CAN 2012 avec la Guinée Équatoriale, suscitent chez de nombreux gabonais un enthousiasme de voir le pays se transformer sous le règne Ali Bongo lui procurant ainsi l’image d’un président bâtisseur et réformateur de nombreux compatriotes pensent en ce moment que le pays est véritablement engagé sur le chemin de l’émergence.
Malheureusement l’espoir suscité fut de courte durée.
Des Dérives…au désenchantement.
L’enthousiasme généré pendant les premières années du septennat a vite céder la place au désarroi.
Les gabonais découvrirent au fil des ans à une gouvernance autocratique et autoritaire qui se manifesta par l’accroissement des pouvoirs du président de la république, la réduction des libertés publiques dont les symboles furent la dissolution du parti politique d’opposition UN (Union Nationale ) et de la dissolution de la centrale syndicale DU ( Dynamique Unitaire). Les répressions brutales et violentes de toutes formes de revendications, les arrestations et emprisonnements des leaders syndicaux, la confiscation des médias publics, la persécution des médias indépendants à travers les multiples suspensions du CNC(Conseil National de la Communication). L’interdiction systématique des rassemblements de l’opposition dans l’espace public… toutes ces dérives et atteintes aux libertés publiques façonnèrent à Ali Bongo l’image d’un despote tropical.
Sur le plan de la gouvernance économique et financière, Ali Bongo précéda au dépouillement pernicieux des ministères au profit des agences qu’il créa et plaça sous son autorité. une politique d’endettement chronique à un accroissement généralisé de la corruption, des détournements de deniers publics à tous les niveaux avec en première ligne la présidence de la république, la perte des valeurs morales ,le népotisme et par la promotion des gabonais d’adoption à des postes stratégiques au détriment des gabonais d’origine.
De la sonnette d’alarme tirée par le groupe Héritage et Modernité.
Le 27 juin de 2015, au moyen d’ un manifeste rendu public à la chambre de commerce de Libreville, un groupe de cadre et d’élus du PDG regroupé au sein de H&M (Héritage et Modernité) à la tête duquel Alexandre Barro Chambrier, alerte le chef de l’état sur les dérives de sa gouvernance
en dénonçant: « les profito-situationnistes aux chaussures enfoncées dans la boue des chemins tortueux de l’enrichissement astronomiques sans causes », il suggère au président de la république de dialoguer avec l’opposition et la société civile pour apaiser les tensions dans le pays avant les élections présidentielles.
Par ailleurs sur le plan interne H&M demande la modernisation du PDG à travers la démocratisation des instances du parti.
De la débâcle électorale prévisible au coup d’état militaro-électoral.
C’est dans un climat de défiance généralisée que le président sortant Ali Bongo, se présente à l’élection présidentielle d’août 2016.
Il a réussi à fédérer contre lui, la société civile, une partie du PDG réunit au sein de H&M ainsi que toute l’opposition gabonaise qui réussira contre toute attente « le miracle » de s’unir autour du candidat Jean PING.
En outre Ali Bongo commettra une erreur stratégique en s’appuyant davantage sur les associations et autres mouvements politiques pour battre campagne au détriment de son parti le PDG. Enfin le choix hasardeux de faire campagne sur la thématique de l’égalité des chances fut un fiasco.
en effet, comment Ali Bongo pouvait-il raisonnablement convaincre un gabonais en parlant de l’égalité des chances en étant lui même l’incarnation du contraire? C’est à dire le prototype de l’inégalités des chances dans le pays.
C’est donc sans surprise qu’au soir du 28 août 2016, après la compilations des procès-verbaux issues des différents bureaux de vote. Le résultat fut naturellement sans surprise en faveur du candidat unique de l’opposition Jean PING qui l’emporte dans sept des neuf provinces que compte le Gabon ainsi que dans la Diaspora.
C’est un véritable camouflet pour Ali BONGO l’écart de voix entre lui et Jean PING fut tellement important que le pouvoir fut obligé d’utiliser la province du haut-ogooué comme variable d’ajustement en gonflant honteusement sa population, tout en lui attribuant un taux de participation inédit de plus de 98% avant de déclarer son pseudo champion Ali Bongo victorieux avec 99% des suffrages.
Le 31 août après la proclamation des résultats annonçant le perdant Ali Bongo Ondimba gagnant en lieu et place du vainqueur Jean PING, déclaré perdant.Des émeutes éclatent dans le pays particulièrement à Libreville la capitale politique. Plusieurs bâtiments , édifices et biens sont vandalisés et saccagés. l’assemblée nationale est brulée et la mairie n’ait épargné que grâce à la lucidité d’un individu dans la foule qui cria » ne brûlez pas la mairie sinon on va se retrouver sans acte de naissance comme Ali » quand un groupe de jeunes commencèrent à caillasser le bâtiment abritant ses services.
Dans la soirée le pouvoir décide de réprimer la contestation et d’attaquer à l’arme lourde le quartier général du candidat Jean PING où sont réfugiés plusieurs leaders politiques ainsi qu’une grande partie leurs partisans.
L’attaque du Q G fut d’une violence sans pareil. On décompte plusieurs morts, blessés, disparus et de nombreuses arrestations. Nous ne saurons sans doute jamais le nombre exact de nos compatriotes a qui le régime a ôté la vie pour se maintenir cette nuit là. Paix à leurs âmes!
De la quête d’une légitimité perdue …à l’AVC de Riyad.
Le manque de légitimité provenant de sa débâcle électorale a mis le régime d’Ali Bongo dans posture inconfortable.
Pour remédier cette situation le régime pense qu’il faut tout d’abord affaiblir et isoler le véritable vainqueur de l’élection présidentielle le président Jean PING, à cet effet un plan de débauchage de ses principaux soutiens est mise en place avec une relative réussite, puis le pouvoir organise un pseudo dialogue pour donner le change aux partenaires internationaux qui préconisent une rencontre entre les deux parties pour décrisper le climat socio- politique. Un dialogue inclusif est donc organisé, cependant il ne produira pas les effets escomptés.
En effet Jean PING et sa coalition ne prennent pas part à ces assises. Le président élu refuse toute compromission avec le régime et continue de revendiquer sa victoire avec l’apport et le soutien de la courageuse diaspora gabonaise qui marche chaque samedi à la place du Trocadéro à Paris. Les activistes traquent les membres du régime lors de leurs différents séjours en France et États-Unis. la Diaspora devient le porte voix de la grande majorité du peuple gabonais traumatisée et bâillonnée au ne au niveau local.
C’est donc un chef d’état mal élu, contesté et honni par son peuple, qui essaie de se refaire une santé en prenant part à toute sorte de forums et autres conférences internationales à la recherche de selfies et des photos aux côtés des personnalités internationales qui est foudroyé par un terrible AVC le 28 octobre 2018 à Riyad en Arabie saoudite. C’est via les réseaux sociaux que les gabonais vont apprendre la nouvelle.
Barry NDIMAL.
Juriste, Conseiller municipal commune de Mekambo »